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sans doute des Pères de la Mercy, apportèrent 300 000 piastres, c’est-à-dire environ 1 128 000 livres, et ils libérèrent pendant sept ans 3 500 esclaves de toute nation.

On sait, d’autre part, que l’hôpital d’Alger avait été fondé et était administré par des Trinitaires espagnols. Or, après le martyre du P. Montmasson, lazariste[1], ce fut un religieux de cette nation, le P. Gianola, qui fut nommé par le Pape vicaire apostolique en Barbarie (1er juin 1690). Ce fait, envenimé par la rivalité qui existait entre les deux nations, fut la cause d’un grave conflit avec les Lazaristes, qui donna fort à faire à notre consul d’Alger.

Les prêtres de la Mission, qui avaient pris à cœur leur tâche apostolique et dont plusieurs avaient payé de la vie leur zèle pour les intérêts français, obtinrent du Saint-Siège, après trois années de démarches, la restitution de cette charge. Innocent XII nomma, en septembre 1693, vicaire apostolique pour Alger et Tunis, le P. Laurence (de Tréguier), lazariste. Le P. Gianola lui céda la place, non sans dépit, mais en partant lui joua un mauvais tour. Désireux de plaire à ceux de sa nation, il racheta une vingtaine d’esclaves au prix de 4 500 piastres et, n’ayant pas de quoi solder leur rançon, les emmena sur sa parole d’envoyer la somme dès son retour en Espagne.

Ce qui est extraordinaire et qui ne peut s’expliquer que par le crédit acquis par les Espagnols, grâce à leurs fréquentes rédemptions, c’est que les autorités d’Alger, d’ordinaire aussi méfiantes qu’avides, aient laissé le P. Gianola partir avec ces esclaves, sur parole. Cependant au bout de quelques mois, ne voyant pas venir la rançon promise, le Divan, sur les réclamations des propriétaires des esclaves, réclama la somme au nouveau vicaire apostolique, le P. Laurence. Celui-ci déclina toute solidarité, dans cette affaire, avec son prédécesseur et, menacé de se voir arrêté, se réfugia au consulat de France. Le dey, devant qui le litige fut porté, décida (1er février 1694) que le P. Laurence était responsable de la dette du P. Gianola. N’avaient-ils pas tous deux agi en qualité de vicaires apostoliques ?

Le P. Lazariste, très inquiet, écrivit lettres sur lettres : au secrétaire de la Propagande à Rome, à son supérieur et au comte Forbin à Paris pour demander secours. Le Pape ordonna que la

  1. Annales des Prêtres de la Mission. Années 1639 à 1699.