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avec le Divan d’Alger. C’était d’ailleurs un homme compatissant ; il parvint, pendant sa gérance, à délivrer 15 000 captifs et légua, par testament, 30 000 livres pour la rédemption des esclaves. Louis XIV, qui se connaissait en hommes, lui avait particulièrement recommandé cette affaire.

Il se mit aussitôt en rapport avec les Trinitaires, afin de s’assurer le précieux concours de leur expérience et de leur zèle : « J’ai vu en passant à Fontainebleau, écrit-il à Pontchartrain[1], le général des Mathurins qui m’a assuré avoir donné de bons ordres afin que le religieux qu’il a nommé pour la province de Flandre me vienne joindre avec 21 000 livres, que leur administrateur avait en caisse ; j’ai pris une rescription sur le marchand qui est à Cadix, pour le restant du fonds dont nous trouvons à disposer, afin qu’elle augmente le rachat. » En effet le Trinitaire, délégué par le supérieur, le rejoignit à Toulon porteur d’un crédit de 22 000 livres sur un banquier, qui lui tint la partie en piastres.

Les opérations du rachat commencèrent à la fin d’août. Des 800 esclaves laissés par les Trinitaires en 1690, 350 avaient été enlevés par la peste, il en restait à Alger environ 440. Mais les esclaves étaient alors devenus si rares que le prix moyen se montait à 260 piastres, soit 975 livres, ce qui est un prix très élevé. Du Sault écrivait à Pontchartrain, d’Alger 30 décembre, en s’excusant de n’avoir pu retirer un plus grand nombre d’esclaves. « Les meilleurs matelots qui sont ici, disait-il, sont les esclaves français, les plus propres à ces barbares, tant parce qu’ils sont plus actifs au service, qu’ils ont la facilité du français, plus en usage. La peste a enlevé 2 000 esclaves ; ce qui fait qu’ils sont chers, parce que tous les musulmans ne peuvent avoir aucun serviteur de leur loi, à cause des femmes. Et quand un particulier peut avoir 200 piastres (780 livres), il achète un esclave, tant pour l’utilité que par grandeur. Le dey lui-même n’a point d’autre domestique que des esclaves chrétiens. »

Les Espagnols disposaient alors, pour la rédemption, de fonds beaucoup plus considérables que les Français ; M. Deslandres[2] estime que, tandis que « les nôtres rachetèrent des captifs par escouade, les premiers en emmenaient des escadrons. » En mai 1690, par exemple, les Pères de la Rédemption d’Espagne,

  1. Lettre du 15 avril 1691.
  2. Ouvrage cité.