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Hautoir, qui règne à Chantilly en sa qualité d’administrateur du district « de Genlis, » ou des « Lornettes, » ou du conventionnel « Gondet, » ou du « ci-devant Duchaillot, » ou des directeurs « Réveillère et Leproux, » ou de Paësiello, ou de miss Helen Williams, ou du « fameux M. Stone : » sur quoi nous nous empressons de « voir l’Appendice, » mais avec le chagrin de découvrir que pas un seul de ces noms ne s’y trouve cité, ni sous la forme singulière prêtée par le texte à la plupart d’entre eux, ni sous celle, plus correcte, de Lameth, Guadet, La Reveillière-Lépeaux, etc.[1].

Ces menus défauts, au reste, n’empêchent point la réédition des Lettres d’Henri Yorke d’être pour nous une publication historique du plus vif intérêt. Non seulement leur auteur nous y apparaît, tout ensemble, observateur excellent et conteur très agréable : il met à son enquête beaucoup plus d’impartialité que ne l’ont fait, avant et après lui, la plupart de ses compatriotes, quand ils ont eu à juger des choses de la France ; et je m’étonne que, l’autre jour, dans la nouveauté de son enthousiasme pour « l’entente cordiale, » un rédacteur de l’Athenœum ait reproché à Henri Yorke « un fréquent travestissement de la vérité. » Il est vrai que, souvent, Yorke déplore les ravages de la tempête révolutionnaire, et ne nous cache point qu’il préfère son pays au nôtre : mais souvent aussi il tire occasion de ce qu’il découvre chez nous pour conseiller aux Anglais de nous imiter ; et lorsqu’il constate que, dans nos provinces, maints villages présentaient une image plus heureuse en 1788 qu’en 1802, tout porte à croire que le rédacteur de l’Athenœum, s’il s’était trouvé à sa place, aurait eu et nous aurait avoué la même impression. Ce n’est pas en 1802 qu’un voyageur étranger, ami ou adversaire de la Révolution, pouvait se rendre compte des bons effets de celle-ci pour la vie française. Encore Yorke, en vingt endroits de son livre, reconnaît-il que cette vie a déjà beaucoup changé, et très avantageusement, depuis le retour de l’ordre, sous la forte main du Premier Consul : et l’admiration qu’il ressent, presque malgré lui, pour « le célèbre Corse, » suffirait à le laver du soupçon d’avoir été prévenu et aveuglé par son « jingoïsme. » Loyalement, en « reporter » fidèle, il nous dit tout ce qu’il a vu, signalant

  1. Il est vrai que, parfois, en échange, l’Appendice nous renseigne sur des personnes dont Yorke ne fait point mention. Par exemple, Thomas Paine ayant dit à Yorke que, « des fondateurs de la République des États-Unis, il ne survivait plus que John Adams, Jefferson, Livingstone, et lui-même », l’Appendice consacre quelques lignes à un matelot rebelle de l’équipage de la Bounty, qui s’appelait John Adams, mais qui, certainement, n’a pu avoir rien de commun avec l’éminent homme d’État dont parle Thomas Paine.