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usent à l’occasion, mais d’une manière assez discrète. Ils n’ont rien d’excessif ni d’exclusif. Presque toutes les tendances qu’on observe chez les autres écrivains se retrouvent chez eux, mais à l’état naissant, en quelque sorte : aucune ne s’hypertrophie assez pour dégénérer en manie tyrannique et encombrante. Leur style est par cela même assez difficile à définir, puisqu’il n’a aucun caractère bien saillant ; ou plutôt, ce qui le caractérise, c’est justement cet éloignement de tous les extrêmes, ce que les Latins appellent mediocritas, le souci constant de se tenir à mi-côte.

Correction, clarté, modération, ce ne sont encore là que des qualités négatives, non méprisables certes, précieuses même par comparaison avec tant d’autres écrivains de la décadence, mais pourtant un peu effacées. Les Panégyristes, à mon avis, en possèdent d’autres plus frappantes. D’abord, parmi ces formules antithétiques qu’ils affectionnent, s’il y en a beaucoup qui ne sont que des ornemens de style et presque des jeux de mots, il en est d’autres où l’opposition des larmes naît de l’opposition des idées : celles-ci, par leur netteté, leur vigueur et leur plénitude, sont vraiment dignes de condenser et de concentrer toute la substance d’un développement. Voici, par exemple, une phrase où est très heureusement exprimé le rapport entre la métropole romaine, toujours revêtue de son prestige séculaire, et une province comme la Pannonie, qui fournit à l’Empire ses plus vaillans défenseurs : « Qui doute que l’Italie ne soit la reine des nations par sa glorieuse antiquité, et la Pannonie par sa bravoure ? » Un trait comme celui-là résume avec force un des faits capitaux de l’histoire romaine aux IIIe et IVe siècles. En termes aussi succincts et aussi précis, Eumène marque le lieu qui unit la renaissance politique et la renaissance littéraire du temps de Dioclétien, lorsqu’il dit que « ce n’est pas seulement la puissance romaine, mais l’éloquence romaine aussi qui ressuscite. » Le même Eumène indique encore d’une manière très nette les deux motifs qui sollicitent la bienveillance des empereurs en faveur des Eduens : « l’admiration pour leurs services et la pitié pour leurs malheurs. » La formule est si juste et si pleine de choses qu’il a suffi à un Panégyriste postérieur d’en analyser le contenu pour en tirer tout son discours. Ailleurs, c’est une définition aussi vraie que rapide de la double tâche à laquelle s’est voué Julien : « Vaincre les Barbares et rendre