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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 36.djvu/179

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plus courageuses que les hommes des autres pays. » C’est là que les souverains ont appris la bravoure et l’endurance, et cela est fort heureux, ajoutent les Panégyristes, car il leur faut agir sans cesse, courir perpétuellement d’une région à l’autre : « l’un était en Syrie, le voici en Pannonie ; l’autre vient de parcourir les villes de la Gaule, le voici au-delà de la citadelle d’Hercule Monœcus ; on les croit occupés aux frontières, et ils apparaissent tout d’un coup au sein de l’Italie. » Leur situation n’est plus la même que celle des princes d’autrefois, qui, sans se donner de peine, attendaient à Rome tranquillement le triomphe et le titre de vainqueur ; les rhéteurs gaulois soulignent ce contraste. Ils insistent aussi sur la tactique nouvelle adoptée contre les Barbares, sur cette offensive hardie qui va les chercher jusque chez eux pour mieux ruiner leurs forces, sur l’institution de la tétrarchie qui permet de mieux assurer la défense de l’Empire en divisant et répartissant les forces impériales, sur la tentative faite pour assimiler les Germains vaincus en les transplantant en deçà des frontières, en leur donnant à défricher des territoires incultes de la Gaule et en les enrôlant au besoin dans les troupes romaines. Cette dernière innovation surtout réjouit les Panégyristes : « C’est pour moi, dit l’un d’eux, que labourent les Erisons et les Chamaves… Convoqués pour la levée des soldats, ils accourent aussitôt… Les pays abandonnés des Ambiens, des Bellovaques, des Tricassins, des Lingons, renaissent entre les mains de laboureurs barbares. » « Constance, dit un autre, a établi les Francs au milieu des Romains, les forçant à quitter, non seulement leurs armes, mais leur sauvagerie… Etablis dans les régions désertes de la Gaule, ils sont pour Rome une aide pacifique par l’agriculture, une aide militaire par les enrôlemens. » Je ne sais si les historiens modernes approuveraient aussi éloquemment cette mesure : c’est une de celles qui ont été le plus souvent critiquées. Mais il était naturel que les contemporains de Dioclétien en fussent séduits comme d’une revanche sur les Germains et d’une conquête précieuse pour l’Empire. En tout cas, les Panégyristes ont au moins le mérite d’avoir bien vu la nouveauté et l’importance de cette façon d’agir. Leur clairvoyance aperçoit aussi, entre les empereurs qu’ils louent, clos différences personnelles qu’ils indiquent discrètement. Dioclétien et Maximien conservent chez eux leur physionomie distincte : N soit qu’ils fassent un parallèle entre leurs dieux, protecteurs,