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Jupiter et Hercule, soit qu’ils comparent leurs conquêtes, soit qu’ils les représentent conversant ensemble et se modelant l’un sur l’autre, ils suggèrent toujours cette idée que l’un représente la pensée politique, l’autre l’activité matérielle et militaire ; à Dioclétien la conception, à Maximien l’exécution. Et cela est fort vrai.

Un autre point de l’histoire du IVe siècle est très bien mis au jour dans les Panégyriques, c’est la réforme opérée par Julien dans les mœurs politiques et administratives. Le XIe Panégyrique, consacré à ce prince par Claudius Mamertinus, est un des plus curieux. Il est d’une très grande liberté de langage à l’égard des souverains antérieurs ; l’orateur était probablement encouragé par Julien lui-même, et, de fait, il trace à la fois la satire des empereurs précédens et le programme du gouvernement actuel. Avant Julien, la corruption règne du haut en bas. Les gouverneurs des provinces volent si bien qu’ils épuisent autant le pays par leurs rapines que les ennemis par leurs incursions, et ils sont si violens, si brutaux, que leurs administrés souhaitent l’arrivée des Barbares. Les empereurs n’accordent leurs faveurs qu’à des intrigans ; on n’arrive qu’en flattant leurs courtisans les plus méprisables, en flagornant jusqu’aux femmes et aux eunuques. Aussi méprise-t-on toutes les occupations sérieuses : on ne veut plus servir à l’année, c’est bon pour des gens de peu, ni étudier le droit, c’est un métier d’affranchis, ni apprendre l’éloquence, c’est trop fatigant et trop peu utile. On ne songe qu’à s’enrichir et à flatter. D’illustres patriciens viennent, sous la pluie ou la neige, assiéger le seuil des favoris et se jeter à leurs genoux. Quant à l’Empereur, son grand plaisir et sa grande gloire, c’est de dépenser beaucoup, — sa cour coûte plus cher que ses légions, — c’est de manger beaucoup, de se faire servir des mets rares et compliqués. — En regard de cette décadence, l’orateur dépeint la réaction à laquelle Julien s’est voué avec tant d’ardeur. Il le montre simple et sobre, dédaigneux des raffînemens, ascétique au point de se refuser même le nécessaire, vivant avec des amis simples et rudes comme lui. Dès lors, tout change avec la personne de l’Empereur. Il trouve dans son économie des ressources pour subvenir aux besoins des provinces. Inaccessible à l’adulation et à l’intrigue, il ne donne les honneurs qu’aux plus dignes. Surtout il suscite une renaissance intellectuelle : il ranime la littérature éteinte ; il