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britannique. Son intérêt résidait surtout dans le fait de poser une question de principe. Mais il comprenait en outre une clause réservant le tarif de préférence aux marchandises (anglaises) importées par navires anglais.

Or, l’Angleterre est liée avec presque toutes les puissances par des conventions, — très avantageuses pour son immense commerce maritime, — lui assurant, sous condition de réciprocité, le bénéfice du traitement national en ce qui concerne le pavillon marchand. C’est-à-dire que des marchandises importées, en France par exemple, par bâtimens anglais, ne paient pas de droits plus élevés que si elles étaient importées par bâtimens français, et réciproquement. Ces conventions étant applicables aux colonies britanniques comme à celles des pays cosignataires, la clause « Carried only in british ships, » du projet de M. Deakin, était contraire aux traités en vigueur. On supposera difficilement que le ministère fédéral et les membres du Parlement ignoraient l’existence de ces engagemens internationaux.

Quoi qu’il en soit, voici l’étrange imbroglio qui se produisit. Le 25 septembre, la Chambre des représentans vota le bill ; puis « à une voix de majorité, » sur la proposition d’un membre du parti socialiste, y ajouta un article imposant aux marchandises devant jouir de la « préférence, » l’obligation d’être importées par des navires dont l’équipage serait en totalité de race blanche. On sait que le gouvernement britannique a déjà déclaré qu’il refuserait son approbation à toute loi excluant en bloc les hommes de couleur[1], et qu’il a de sérieux motifs d’agir ainsi. L’article adopté en dernière heure créait donc une difficulté de plus. Le bill fut envoyé au Sénat qui, le 5 octobre, le vota tel qu’il l’avait reçu. Le 10, M. Deakin fit savoir à la Chambre qu’il venait de recevoir de Londres une dépêche rappelant l’existence des traités et l’invitant à faire modifier le bill. La Chambre reprit le bill, supprima les clauses donnant lieu à objection, et le renvoya au Sénat. Le Sénat refusa la suppression et renvoya le bill à la Chambre. La Chambre revint une seconde fois sur son vote et adopta le projet tel qu’il revenait du Sénat.

Le bill était donc une seconde fois voté par les deux

  1. Voyez la Revue du 1er octobre : le Socialisme en Australie, p. 597 et 598.