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régime dotal pour ses paraphernaux, dans la communauté enfin quand elle est commerçante et qu’elle signe librement des billets. Sans doute la justice autorisera à défaut du mari ; mais ce sont des lenteurs et des frais qui n’ont aucune justification. Quant à l’incapacité générale de contracter, elle a été réduite par la jurisprudence autant qu’il a paru possible : la question se pose, même sous les régimes où la femme a une administration propre : elle veut par exemple, séparée de biens, faire un de ces actes qui excèdent les limites de l’administration, un achat, une vente d’immeuble, une souscription d’actions ; ou bien, sous n’importe quel régime, elle veut louer ses services, publier un livre, entrer au théâtre. Tantôt les tribunaux autorisent, et tantôt ils n’autorisent pas. C’est ici affaire d’appréciation. Ce qui est considéré toujours, c’est l’intérêt du mariage plus que celui de la femme ; et en ce sens, il est sûr que la liberté de travail, fortement réclamée à cette heure, n’existe point pour la femme mariée. La justice en tous cas ne peut autoriser une femme, au refus du mari, à devenir commerçante : la loi le défend : et cela est explicable dans la communauté où tous les engagemens de la femme obligent le mari ; cela ne se comprend pas plus que l’interdiction de plaider, quand la femme, en s’engageant, n’oblige qu’elle-même et ses propres biens. Une dernière fois le Code de 1804 se refuse à laisser filtrer une règle plus conforme à des besoins nouveaux.


IV

Après ce rapide examen, il semblera possible de préciser les points d’antagonisme, où les mœurs et les nécessités économiques d’une part, les règles du Code civil d’autre part s’opposent fâcheusement, définitivement. Pourquoi la femme mariée est-elle frappée d’incapacité ? Il n’est pas vrai qu’elle soit incapable : fille ou veuve, elle ne l’est point. L’intérêt du mariage exige seulement qu’il y ait une direction, et le mari, comme plus ordinairement capable, se trouve désigné pour l’exercer. Ne suffirait-il pas de dire que la capacité de la femme demeure durant le mariage, et qu’elle est seulement restreinte pour les besoins de l’union conjugale ? — La communauté est le régime traditionnel et vraiment national : sous la forme de communauté légale, elle régit le mariage dans les classes populaires, et,