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Plus d’oiseaux, hors celui que l’arche fit partir,
Vers les monts submergés de la vieille Arménie.
Plus de chansons : l’averse est la seule harmonie
Du baptême sans fin qui veut tout engloutir.

Mais depuis l’horizon, et par-dessus la Loire,
L’arc-en-ciel se dessine en un pont fabuleux,
Mélangeant ses rayons rubis, orange et bleus
En cordages flottans, en mirage de gloire.

La buée au contact se disperse et se fond ;
Sur les coteaux baignés d’une beauté nouvelle,
La route se découvre et le toit étincelle,
Le ciel paraît plus pur et le bois plus profond.

Aux replis du terrain surgit l’humble village,
Groupant ses toits de chaume au pied de son clocher ;
Le regard alentour est heureux de chercher
Un troupeau qui chemine, et qu’attardait l’orage !

Tout exulte et renaît, et volent les oiseaux !
Le soleil resplendit fidèle à la Promesse ;
Il n’est plus de déluge ou d’ire vengeresse,
Car le Dieu de Noé plane et commande aux eaux !


AME SIMPLE


La pauvre paysanne en place dans Paris
Est entrée à l’église à l’heure de l’office,
Raconter son exil, avec son sacrifice,
Et cet étrange mal qu’on dit mal du pays,
Qui nous étreint le cœur comme dans un cilice.

Son costume surprend : a cinq rangs de velours
Le corsage croisé sous le fichu de bure,
La coiffe aux ailerons de fine dentelure,
Et le tablier vert sur la robe aux plis lourds :
Elle vient de Bretagne et de la côte dure.