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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 36.djvu/584

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occasions où il se flattait de montrer « la noblesse d’un vrai prince. » Ces manières de complimens échangés de part et d’autre, on débattit les clauses du contrat. Enfin, à la Saint-Jean, 23 juin, fut célébré à Aix, en l’église du Saint-Esprit, ce mariage sans amour d’un côté, sans raison de l’autre, et par lequel, déjà petite-fille et fille d’époux séparés, Emilie en devenait belle-fille. La marquise de Mirabeau ne consentit pas à venir signer au contrat ni à être représentée aux cérémonies. Elle et la marquise de Marignane ne contribuèrent pas non plus pour un sol à la dot de leurs enfans, qui était stipulée comme suit.

Le marquis de Mirabeau nommait son fils aux importantes substitutions qui étaient dans sa maison ; il s’obligeait à lui servir une rente annuelle de 6 000 livres, que des accroissemens de 500 livres d’année en année, à partir de l’année suivante, porteraient à un maximum de 8 500 livres ; il donnait à sa bru des diamans et une toilette de vermeil évalués ensemble à 12 000 livres au moins ; mais il stipulait que la dot d’Emilie serait versée en ses mains, à charge par lui d’en payer intérêt au ménage à raison de 5 p. 100. Le marquis de Marignane constituait à sa fille un capital de 240 000 livres, dont il ne remettait à compte que 8 000 représentées par un trousseau, le reste n’étant payable qu’à son décès ; et, pour tenir lieu des intérêts de ce capital retenu, il s’obligeait à faire au ménage une rente annuelle de 3 000 livres. (Il en avait promis 4 000 à M. de la Valette ; ce rabais était pour marquer son mécontentement d’avoir eu la main forcée.) A quoi, la douairière de Marignane, marraine d’Emilie, ajoutait une somme de 60 000 livres, aussi payable à son décès ; elle s’engageait en outre à loger et à nourrir en son hôtel à Aix, moyennant paiement d’une pension annuelle de 2 400 livres, les jeunes époux, leurs enfans et leurs domestiques. Cet arrangement laissait au jeune ménage un revenu libre de 6 à 8 000 livres pour l’entretien et les dépenses voluptuaires : mince paillette d’or aux mains de Mirabeau. Il en devait déjà près de quatre fois la valeur, en lettres de change qu’il avait souscrites à des juifs de Lyon et d’Aix pour subvenir aux frais de sa cour et de son mariage…


II. — MADAME DE MIRABEAU

Les noces durèrent plus de huit jours et furent splendides. L’humeur naturellement vaine et dépensière de Mirabeau y