Il semblera qu’il faisait ainsi trop peu de cas ne ce qu’il avait laissé de santé, de repos et de moyens de se racheter à la misérable Emilie. Mais, à la vérité, Mirabeau, avec son pardon injurieux, ne laissait pas à M. Gassaud d’autre alternative que de renoncer à l’honneur de porter l’habit rouge sur un cheval gris, de se retrancher lui-même du corps de la noblesse, et de quitter la France, — et c’était se disqualifier pour une banale aventure qui, selon les mœurs du temps, ne comportait pas cette suite terrible, — ou que de se couper la gorge avec son adversaire, dans une rencontre à mort, — et ceci était agir en vrai mousquetaire et en brave gentilhomme, selon un code non encore tombé en désuétude. Emilie, à son arrivée, se réfugia dans sa famille, à Marignane. Sa douleur, ses craintes, ses plaintes vagues, y firent supposer que son mari lui avait infligé de mauvais traitemens. On la supplia de le quitter ; on lui déclara que, si elle le rejoignait, on la déshériterait, on l’abandonnerait au plus triste sort, on ne la recevrait plus jamais. Ces propos maladroits la décidèrent à rentrer chez elle, aussitôt qu’elle fut sûre que le duel n’aurait pas lieu et que Gassaud avait repris la route de Valence ou celle de Paris. Le mousquetaire avait inutilement multiplié les provocations et adressé un défi formel à Mirabeau. Celui-ci s’était dévoré en silence. Enfin, son épée restant au fourreau, celle de son agresseur tomba de ses mains. Mais la rage du comte voulait s’exhaler ; Emilie en essuya des accès à son retour. Au cours d’une de ces disputes, elle s’emporta en commentaires sur les bontés de Mme de Vence pour son mari, et sur la pureté de ses rapports tant avec la marquise de Mirabeau sa mère qu’avec sa sœur, la belle marquise de Cabris… Propos infâmes, que trop de bouches étaient peut-être enhardies à propager d’après de fâcheux indices, mais propos intolérables dans la sienne… Mirabeau la souffleta. Puis il annonça les circonstances de ce nouvel incident à Mme de Vence, qui lui fit entendre de nouveaux conseils de calme et de ménagement :
Votre situation me parait affreuse en tout point ; et si ce n’est le contentement que vous devez avoir de vous-même, je vous trouverais encore bien plus malheureux ; mais je regarde comme une grande consolation d’avoir fait le mieux possible et d’avoir mis le tort tout entier du côté dont on a à se plaindre. Je ne puis justifier la conduite de Mme de Mirabeau, et quelque intérêt que je prenne à elle, je ne prétends nullement excuser ses torts. Je voudrais être à même de les lui faire comprendre, j’espère que vous seriez