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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 36.djvu/604

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un peu plus content de sa conduite envers vous. Mais comme cela n’est pas possible, il faut tout attendre de vos bons procédés. Il n’est pas possible qu’ils ne finissent par produire l’effet qu’ils doivent produire sur une âme sensible et honnête, et je serais bien fâchée de ne pas regarder comme telle celle de Mme de Mirabeau. L’horrible procédé de M. de G… aura certainement fait impression sur elle, et je suis très persuadée qu’elle ne le voit plus qu’avec horreur. Je serais bien fâchée de croire qu’elle eût attendu cette dernière conviction pour faire la différence qu’elle doit de vos deux procédés. Je suis sûre qu’elle l’a sentie dès le premier moment, et je ne puis attribuer le propos qu’elle vous a tenu qu’à un moment de délire. Soyez plus sage qu’elle pour son intérêt et pour le vôtre, et ne démentez pas par un instant de vivacité une aussi longue épreuve de bonne conduite. Je vous avoue qu’elle a fort augmenté la bonne opinion que j’avais de vous… Je regrette plus que vous de n’être pas à portée de vous dire tout ce que je pense à cet égard. Je sens tout ce qu’une heure de conversation produirait de soulagement à votre âme…

Ce 26 juin.


De tels sursauts délabraient la santé d’Emilie. Son lait avait tari ; elle souffrait en juillet d’un rhume violent. Ce rhume eut pour elle une suite qu’on n’oserait en de telles conjonctures qualifier de funeste : elle fit une fausse couche. Son mari n’aurait pas élevé cet enfant sans scruter sans cesse le mystère de son origine. Tandis qu’elle gisait, ainsi déchirée et secouée, elle n’allait pas cesser d’être importunée des affaires de son séducteur, Depuis longtemps, Mirabeau négociait un mariage pour Gassaud avec une fille du marquis de Tourettes, dont le fils était, on se le rappelle, fiancé à Julie de Vence. Sans doute le beau-père prétendu eut-il vent de la trahison du mousquetaire : car il rompit net les pourparlers. Il avait de l’estime et de l’amitié pour l’époux d’Emilie. Celui-ci ne souffrit pas l’idée que la famille de Gassaud viendrait à le soupçonner d’avoir fait échouer par vengeance ce projet si avantageux et si honorable pour elle. Il lui était défendu, aux termes de sa lettre de cachet, de s’écarter de Manosque ; mais on a déjà vu que de sa résidence forcée au château de Mirabeau, il se rendait à sa guise chez sa cousine de Limaye. Il monta à cheval et s’en fut à Tourettes renouer la négociation rompue. Son intervention parut réussir. Au retour de cette extraordinaire expédition, il s’arrêta quelques jours à Grasse, où demeurait sa sœur Louise, Mme de Cabris ; il la trouva dans l’effervescence d’un abominable scandale, où elle achevait de se déconsidérer.

Le 16 mars 1774, à son réveil, Grasse avait vu les portes de ses maisons les plus apparentes recouvertes d’une diatribe