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LES PHILOSOPHES
ET LA
SOCIÉTÉ FRANÇAISE[1]

Il y aura bientôt une trentaine d’années qu’ici même, — et c’était alors, comme aujourd’hui, « à l’occasion d’un livre récent, » — nous revendiquions, pour nos « philosophes » du XVIIIe siècle, sur et dans le mouvement de la Révolution française, la part d’influence et d’action que l’on manifestait l’intention de leur disputer. C’est ce que déclarait au surplus avec assez de franchise le titre seul de l’ouvrage de M. Félix Rocquain : L’Esprit révolutionnaire avant la Révolution. Et, à la vérité, dans ce livre, aussi remarquable par l’ampleur de la composition que par la sûreté des informations, — il est d’ailleurs, devenu presque classique sur le sujet, — l’auteur n’avait pas eu de peine à démontrer que les philosophes n’étaient pas les seuls ouvriers de la Révolution. Supposé que Voltaire et Rousseau, Diderot et d’Alembert, les encyclopédistes, les économistes n’eussent jamais écrit, M. Rocquain n’avait pas de peine à prouver qu’entre 1789 et 1800, par exemple, il se serait « passé quelque chose : » et en effet, la Révolution a d’autres origines que la philosophie de l’Essai sur les mœurs ou la politique du Contrat social. Mais, d’un autre côté, prétendre et soutenir que si les philosophes n’avaient pas écrit, tout se serait néanmoins « passé

  1. Les Philosophes et la société française au XVIIIe siècle, par M. Marius Roustan, 1 vol. in-8o ; Lyon, chez Rey, et Paris, chez Picard et fils, 1906. Annales de l’Université de Lyon.