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régimens étrangers étaient très nombreux. La guerre de Trente ans avait, si l’on peut ainsi parler, mis sur le marché quantité de reîtres, selon l’expression alors usitée, qui pouvaient peser, d’un grand poids, dans la balance et qu’il était prudent de s’attacher : « On pourra avoir, écrivait Mazarin à Turenne, en 1648, pour nous servir contre l’Espagne, 25 000 à 30 000 soldats bien aguerris, dont on ne craindra pas la dissipation, quand on prendra soin de les bien entretenir. » Tel était, on ne s’en étonnera pas, le calcul de Mazarin qui, se sentant l’homme le plus impopulaire, du royaume, malgré les grands services qu’il lui avait rendus ou qu’il devait lui rendre, ne cessa de se montrer favorable à l’accroissement du nombre des soldats étrangers. A la bataille des Dunes, en 1658, il n’y avait pas moins de 27 régimens étrangers sur les 137 régimens qui y furent engagés du côté français. Jusqu’au traité des Pyrénées, qui mit fin à cette longue période belliqueuse, en attendant qu’il s’en ouvrît une nouvelle avec la guerre de Dévolution, Le Tellier, si peu favorable qu’il fût personnellement à l’augmentation du contingent étranger, dut se borner à exercer sur lui une surveillance qu’il s’appliqua à rendre efficace, afin d’assurer la stricte exécution des conventions relatives à ces troupes, fournies au Roi dans des conditions dont on peut juger par celles d’un traité conclu, en mars 1649, avec un gentilhomme anglais nommé Rokeby. Ce gentilhomme s’engageait envers Le Tellier « à lever et mettre sur pied en Angleterre le nombre de 600 hommes, tous d’âge et de force convenables pour bien servir, armés chacun d’une épée et baudrier, et de les faire passer par mer dans le royaume, moyennant qu’il plaise à Sa Majesté lui faire payer 18 000 livres, qui est à raison de 300 livres par chaque homme : 9 000 livres à Londres par les ordres de l’ambassadeur de Sa Majesté, et les 9 000 livres restant au port où nous ferons débarquer lesdits hommes, où ils seront aussi armés, les deux tiers de mousquets avec bandollières et l’autre tiers de piques. » D’autre part, Rokeby, s’il ne parvenait pas à réunir l’effectif promis, s’engageait à rembourser sur la somme totale la quote-part afférente aux manquans.

La plupart des accords conclus avec les étrangers ressemblaient, à peu de chose près, à celui-là. Les Suisses étaient les plus nombreux. Presque toujours bons soldats, ils se montraient particulièrement exigeans en matière de règlement de compte. « Pas d’argent, pas de Suisses, » disait-on ; il est vrai que la