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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 36.djvu/70

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joli cavalier, — et Jove lui-même atténue singulièrement ce qu’il vient d’écrire en ajoutant qu’en la société des femmes, et lorsque César s’adonne au plaisir, par un privilège merveilleux, ces yeux durs changent et s’adoucissent. Mais, de toute façon, c’est là un point presque négligeable ; car il y a dans le duc de Valentinois plus et pis. Il y a, en lui, du félin, petit et grand, du chat et du tigre. Suivons le mouvement d’un de ses discours ; il se tapit, se traîne, se pelotonne, se détend, bondit. D’abord, il fait patte de velours, et ce sont des gestes exquis. Tous ses dialogues commencent aimablement, — ce n’est point assez dire : — amoureusement. Il a de délicates attentions et d’excellentes intentions. Il fait des difficultés pour loger ses troupes en territoire florentin, « parce que, dit-il, je donne telle licence à mes soldats que je sais qu’elle vous paraîtra trop grande… Si nous sommes amis, je vous défendrai contre tous. » Et avec quels hommes ! « Je veux du monde choisi… Les compagnies, je les fais d’Italiens et d’ultramontains, selon que je trouve des gens de bien. » Il est si libéral, que le Pape ne le serait pas autant et le grondera pour l’avoir été trop ! Mais qu’on n’espère pas le « promener, » le « lanterner » avec des phrases ! Il « sait très bien » ce que sont les choses et où elles en sont. Il ne faut pas « compter en rabattre d’une syllabe sur ce qui a été dit, car il est tiré par les cheveux beaucoup plus qu’il n’aurait jamais cru l’être… Dépêchez-vous, sortez des cérémonies, décidez-vous rapidement et en secret, pour vous-même et pour moi, afin de m’épargner l’importunité et les plaintes de ceux à qui l’on ôte le morceau de la bouche. »

L’évêque de Volterra en est tout étourdi : « Ce que je puis dire, écrit-il, c’est que, si l’on peut croire aux paroles, ce seigneur a fait montre ce soir de parler avec le cœur. » Mais peut-on y croire ? « L’esprit du seigneur, lui seul le sait, puisque ainsi se gouverne Son Excellence : les paroles et les démonstrations à moi adressées sont celles que j’ai dites. » Personne ne sait qu’en penser ; on en discute : la vérité de César est en César seul. Et tandis qu’on ne sait rien de lui, il sait tout des autres : comme il s’entoure de mystère, il entoure d’espions adversaires, indifférens, amis et familiers même. De la sorte, il surprend et il n’est pas surpris : « Ici l’on fait une feinte au pied, et souvent l’on tire à la tête. » Aussi bien, le voici qui passe à l’offensive. « Tout cela n’est rien… Je ne suis pas un bas