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l’a d’ailleurs généralisée dans un passage de son discours, et, l’étendant uniformément à tous les pays du monde, il a dit que l’Allemagne devait s’abstenir d’effusions. Dès lors, il ne saurait en attendre de nous. Il semble qu’on pourrait établir sur ces bases, entre Paris et Berlin, une vie très sortable, et même que cela soit facile. Mais M. de Bülow, tout en se flattant de l’espoir qu’il en sera ainsi et au moment même où il allait nous le faire partager, a cru devoir rappeler à l’Allemagne qu’avec un pays comme la France les explosions étaient toujours à craindre, et il nous a rappelé à nous-mêmes qu’avec un pays comme l’Allemagne les brusques changemens de politique n’étaient pas moins à redouter. En fait, nous en avons su récemment quelque chose. M. de Bülow a tiré de ce fait tout un système. Il a dessiné un portrait charmant, mais troublant du diplomate allemand qui, à l’entendre, doit être souple, divers, mobile, changeant comme un caméléon. Il lui a donné pour modèle Alcibiade, qui savait se faire tout à tous, adoptait successivement les mœurs comme il semblait prendre l’esprit de tous les pays où il vivait, et qui, après avoir émerveillé les Athéniens par les grâces délicates de son esprit et le laisser aller de ses manières, édifiait les Spartiates par son austérité et mangeait avec eux du brouet noir, M. de Bülow, diplomate lui-même, est aussi séduisant qu’il veut l’être ; mais il nous a montré à propos du Maroc qu’il pouvait avoir aussi d’autres vertus. Au surplus, il a complété le type idéal du parfait diplomate par un mot du prince Orloff à l’empereur Napoléon III au Congrès de Paris, en 1866. « Sa qualité maitresse, sire, aurait dit le prince Orloff, est de savoir flatter au bon moment, ou de donner le coup de pied aussi au bon moment. » Nous ne rechercherons pas si on ne nous a pas un peu flattés pour nous endormir au début de l’affaire du Maroc, ni si on a vraiment choisi le meilleur moment pour nous donner le coup de pied. Mais il faut convenir que ces axiomes diplomatiques, réduits en règles de conduite, ne sont pas bien rassurans. Hâtons-nous de dire que M. de Bülow les applique à tout le monde, et non pas spécialement à nous.

La partie la plus importante de son discours, du moins à nos yeux, est celle où il a parlé de nos rapports avec d’autres puissances, et plus particulièrement avec l’Angleterre. Ici il faut citer. « L’alliance franco-russe depuis son origine, a-t-il dit, n’a pas été un danger pour la paix ; au contraire elle s’est montrée comme un poids qui coopérait à la marche régulière de l’horloge du monde. Nous espérons qu’on pourra dire la même chose de l’entente cordiale franco-anglaise. Les bonnes relations entre l’Allemagne et la Russie n’ont nullement rompu