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l’alliance franco-russe ; les bonnes relations entre l’Allemagne et l’Angleterre ne peuvent non plus être en contradiction avec l’entente cordiale, si celle-ci poursuit des buts pacifiques. » L’entente cordiale ne poursuit certainement que des buts pacifiques. Elle a été conclue, — M. Paul Cambon le rappelait hier encore en termes excellens, — au moyen d’un règlement, entre l’Angleterre et nous, de nos intérêts communs sur plusieurs points du globe. Parlant de la France et de l’Allemagne, M. de Bülow a dit dans un autre passage de son discours : « Ce qui est possible, c’est que les deux peuples se rapprochent sur le terrain économique, sur le vaste terrain des entreprises industrielles et financières : ils s’entendront peut-être aussi un jour sur telle ou telle question coloniale. » Soit : mais qu’avons-nous fait hier avec l’Angleterre, sinon ce que M. de Bülow exprime l’espoir que nous pourrons faire demain avec son pays ? Nous étions en conflit avec l’Angleterre, et depuis longtemps, sur beaucoup plus de questions coloniales que nous ne pouvons l’être avec l’Allemagne : nous avons réglé ces questions. Quoi de plus légitime ? Quoi de plus digne de servir d’exemple ? Si l’Allemagne nous avait proposé, en 1904, de faire avec elle ce que nous venions de faire avec l’Angleterre, nous nous y serions prêtés de bon gré : mais c’est nous qui lui avons fait une suggestion dans ce sens, et elle l’a déclinée. Elle était de mauvaise humeur ; elle avait pris ombrage de notre rapprochement avec Londres. Elle déclare aujourd’hui n’avoir à y faire, en principe, aucune objection ; mais elle en faisait alors, et elle les a soutenues de telle manière qu’elle nous a rejetés encore davantage, et comme de force, du côté anglais. M. de Bülow nous dit maintenant qu’il pourrait s’entendre un jour sur une question coloniale avec nous ; nous lui répondrons : Quand vous voudrez. Il dit encore qu’il désirerait avoir de bons rapports avec l’Angleterre notre amie, comme avec la Russie, notre alliée : nous n’y voyons que des avantages, Mais, ajoute-t-il, « l’établissement de relations amicales avec l’Angleterre demande du temps et de la patience, car nous avons derrière nous une longue période de malentendus. L’aiguille du baromètre politique a heureusement quitté les indications : pluie et vent, pour se mettre à variable. » Eh bien ! c’est déjà une amélioration. Nous aussi, nous avons traversé une longue période de malentendus avec l’Angleterre et finalement nous en sommes sortis. Tout vient à point à qui sait attendre et saisir les bons momens. Pourquoi la diplomatie allemande ne serait-elle pas avec l’Angleterre aussi heureuse que la nôtre ? Ce n’est pas nous, en tout cas, qui nous mettrons en travers ! Mais était-il bien nécessaire que M. de Bülow, après