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pas de peine à prédire dès novembre 1881 le krach qui éclata en janvier 1882 ; nous fîmes quelque chose d’analogue en partant vers le milieu de 1881 pour un tour du monde tout en annonçant à nos amis que nous considérions que le seul moyen d’échapper à la contagion et à l’épidémie menaçante était de se réfugier en Chine ! De même, un article publié dans l’Économiste français par M. Juglar et un diagramme que je publiai dès janvier 1886 permettaient d’affirmer la reprise imminente des affaires sans que personne voulût y croire au milieu de l’atonie générale. Les financiers avisés qui ont continué à marquer sur ce diagramme les courbes qui le constituent ont pu prévoir le krach de 1891, dont l’éclosion fut due aux excès de la République Argentine et qui, dans l’histoire, portera de ce fait le nom de krach Baring ; ils n’auront pas été étonnés ensuite de la reprise des affaires en 1895, puis de la grande déception qui a suivi l’Exposition de 1900, de la liquidation qui s’est faite jusqu’en 1903, enfin du renouveau de prospérité auquel nous assistons en ce moment !


III

Il est temps de conclure et de tirer des faits que nous avons exposés l’enseignement qu’ils comportent. Nous constatons tout d’abord que les guerres et les disettes, longtemps considérées comme un des élémens principaux des crises, n’ont d’influence que proportionnellement à la situation générale des marchés commerciaux et financiers au moment où ces calamités éclatent. Elles agissent comme la goutte d’eau qui fait déborder un vase trop plein quand elles coïncident avec l’exagération des affaires ; elles n’ont que peu d’influence dans les périodes de prix modérés et même elles amènent toujours à leur suite, lorsque la paix se rétablit, une recrudescence d’énergie, une étape nouvelle dans le développement progressif de l’activité humaine. Les guerres sont de grands consommateurs qui absorbent les stocks de marchandises et de produits divers ; à côté de leurs effets néfastes, elles ont donc pour résultat de stimuler considérablement l’industrie et le commerce. Si ce phénomène est certes profitable avant tout au vainqueur, il vient aussi en aide au peuple vaincu et, pour se produire, il n’attend même point que la paix et la tranquillité soient rétablies ; nous le voyons encore en ce