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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 36.djvu/862

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papa et baiser tout cela en même temps ? Mon ami, cette image me transporte. Le chevalier [Boniface] est en quarantaine à Toulon ; on l’a renvoyé de Malte à cause de sa santé qui est dans un si piteux état qu’on craint la ptisie (sic) pour lui. Cependant, je ne sais si on le fera venir ; car on est fort en colère contre lui à cause qu’il a fait pour 1 300 l. de dettes en goinfreries et en filles. M. le bailli a reçu ces nouvelles depuis le départ de mon beau-père : il était si en colère qu’il disait qu’il fallait le renvoyer à Malte tout de suite ; il a écrit à mon beau-père qu’il ne voulait plus s’en mêler. Pour moi, je ne serais point étonnée qu’ils le fissent enfermer. Cela fait pitié, car on dit qu’il se meurt. M. de Limaye fait un mémoire contre nous où il insère toutes les lettres qu’il peut attraper de toi et de mon beau-père écrites à tous tes créanciers ; il s’est mis à leur tête. Son dessein est de se faire présenter au Roi. Nous avons su cela par Bernard Secundus de Pertuis qui s’est adressé à mon oncle pour lui représenter qu’il ne peut plus sortir de sa chambre à cause des juifs. Adieu, mon bon ami, tout cela m’inquiète beaucoup, surtout ce vilain gueux de Limaye. Sa femme a écrit des horreurs à ton père.


A Paris, le 5 novembre 1774.

… Nous sommes partis le lundi du Bignon ; nous avons couché le lendemain mardi à Fontainebleau. Nous avons vu le château en passant, le Roi, la Reine, etc. Tout cela m’a paru fort beau comme tu te doutes bien. Nous sommes venus coucher ici le lendemain. Notre voyage a été avancé d’un jour à cause de la santé de ton père qui a eu des étouffemens… Je n’ai pas eu un seul petit moment à disposer depuis que je suis ici… Nous ne quittons point l’appartement pour faire compagnie à papa et recevoir ceux qui viennent. Ce qui m’empêchera de t’écrire longuement aujourd’hui, c’est qu’il faut avant l’heure du dîner que j’essaye mon corps dont je ne puis pas me passer, ayant l’air tout à fait bossue avec l’autre ; et d’un autre côté, ces dames m’attendent après pour aller acheter bien des petites choses dont je ne puis me passer, comme qui dirait des souliers que je prendrai tout faits, ne pouvant attendre…


A Paris, le 8 novembre 1774.

… N’aie plus d’inquiétudes sur ma santé, mon ami, l’air de ce pays-ci m’a fait tous les biens possibles, je suis même fort engraissée à proportion de ce que j’étais… Je renvoie par ce courrier au chevalier de Gassaud les 25 louis et les 35 l. 10 d. d’intérêts…

On est ici dans une position fort singulière sur les nouvelles publiques. L’ancien et le nouveau parlement ont ordre d’être ici chez eux le 9 pour attendre les ordres du Roi. Il se rendra à 8 heures du matin au palais pour y tenir les uns disent un lit de justice et les autres une simple séance. En attendant, on a arrêté M. de Fleury, procureur général, et M. le président de Nicolaï. Le chef du conseil supérieur de Clermont a eu défense de laisser rentrer sa compagnie. On dit que tout rentrera en Provence dans l’ordre accoutumé, mais que les nouveaux (parlementaires) sont bien mécontens. Assurément je donnerais quelque chose de bon pour voir tout ce changement…