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(fait des mots, motteggiato) avec une argutie espagnole sur ce qu’avait fait son fils ; il soutient que, Pagolo Orsino et les autres ayant été les premiers à lui manquer de foi, puisqu’ils s’étaient obligés à aller à lui un à un, et qu’ils y étaient allés tous ensemble, il ne lui avait pas été moins licite, à lui, de leur en manquer. » Au surplus, César n’appuie pas : il laisse tomber cette proposition, qui fait maxime, comme une chose toute naturelle. Il n’insiste que sur ceci. Ce n’est pas à la liberté de Sienne qu’il en veut : il aurait peur de fâcher le « patron, » le « maître de la boutique, — il maestro della bottega, » — le roi de France, protecteur de la Commune et son propre protecteur. Mais il en veut à Pandolfo : il le veut ! Maintenant qu’il a enlevé à ses ennemis leurs armes, — les condottieri, — il veut leur enlever aussi « la cervelle, qui consistait toute en Pandolfo et en ses tours. » Si les Siennois veulent l’en croire, c’est bien. Et s’ils ne l’en croient pas, il est prêt à faire ultimum de polentia, non seulement pour abattre ce Petrucci, mais pour le prendre.

Et voici maintenant qui regarde spécialement Florence. — Le service que je vous ai rendu en vous débarrassant des Orsini vaut bien quelque chose, avait dit César ; il vaut bien 200 000 florins, — La Seigneurie avait feint de ne pas entendre ou de ne pas comprendre. Le duc y revient, avec un rabais. Ce service vaut toujours bien 100 000 ducats. En tout cas et à tout le moins, une alliance. Mais une alliance, c’est la condotta, et la condotta, c’est de l’argent. César peut être un grand artiste dans son genre, mais son talent se double de ce qu’il n’oublie jamais les réalités positives. Si l’on eût promis à la Seigneurie, il y a un an, d’éteindre Vitellozzo et Liverotto, n’eût-elle pas volontiers souscrit obligation de ces 100 000 ducats ? Elle ne l’a pas fait, il n’y a pas d’écrit, mais, tacitement, l’obligation n’existe-t-elle pas ? Ce n’est pas Florence qui voudra passer pour ingrate : cela ne lui ressemblerait pas ; cela serait trop « contre sa coutume et nature ! » Toutes les objections sont prévues, sont réfutées d’avance, et toutes les échappatoires sont fermées. « Le temps est venu de se décider, » ainsi que Machiavel en prévenait les Dix. Il va falloir que la Seigneurie saute le pas. César entend lui démontrer qu’à l’entreprise contre Pandolfo Petrucci, elle ne doit pas être moins animée que lui-même, pour trois raisons : son intérêt, sa vengeance, l’intérêt du Roi Très-Chrétien, qui est