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doute pas que les spécialistes du moyen âge en puissent joindre beaucoup d’autres, et encore plus d’articles et de dissertations, nous ont apporté de nouveau ? Si l’humanité, selon toute apparence, ne connaîtra plus dans l’avenir qu’un seul Tristan, qui sera celui de Wagner, et dont tous les autres ne seront regardés que comme de pâles ou incertaines ébauches, quel est l’intérêt des travaux que nous venons d’énumérer ? A quelle curiosité répondent-ils ? de quelle nature ? et justifiée par quelle nature de considérations ? C’est ce que je voudrais examiner dans les pages qui suivent.

Je profiterai, tout naturellement, pour cela, des renseignemens précieux, — et non moins précis, — que ces travaux contiennent, mais je ne poserai pourtant pas les questions tout à fait de la même manière, et pour cause. En premier lieu, parce que la discussion de quelques-unes de ces questions exige une compétence qui n’appartient qu’aux « professionnels » de l’érudition ; [je me récuse, par exemple, en matière d’onomastique et de toponomastique] ; et puis, parce que ces questions, intéressantes en elles-mêmes, ou du moins quelques-unes d’entre elles, n’ont pas littérairement toute l’importance que leur attribuent ceux-là mêmes qui les ont inventées. On est quelquefois effrayé de voir l’appareil dont l’érudition se hérisse, comme pour interdire aux profanes l’accès d’un domaine qu’elle se réserverait ; « il y a des pièges ; » et on s’étonne des résultats un peu minces où aboutissent finalement tant de temps employé, tant de travail, et tant d’ingéniosité. Car en somme, il ne s’agit toujours que de trois ou quatre points, toujours les mêmes ; et, en ce qui regarde particulièrement Tristan, ce qui nous intéresse, c’est de savoir l’origine de la légende, les circonstances de son développement, la signification qu’elle enveloppe, et, — de l’instinct populaire et universel de l’humanité, ou des aptitudes caractéristiques d’une race, ou peut-être du génie d’un seul homme, — à qui revient l’honneur de l’avoir inventée. On remarquera que ce ne sont pas d’autres questions qui se posent à l’occasion de l’Iliade ou du Ramayana, et c’est ce que nous voulons dire en les distinguant des problèmes de pure érudition. Quels que soient ces derniers, et de quelque façon que l’on s’y prenne pour les discuter, quelque « méthode » que l’on y applique, l’intérêt n’en est jamais principal, mais toujours secondaire, puisqu’ils n’ont pour objet que de répondre finalement aux questions essentielles :