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une grande scène de jalousie avec larmes, prières, tentative de suicide et menaces.

Après ce grand débordement de pathétique, la source semble un peu tarie. Le troisième acte est moins plein, moins vigoureux, moins intense. Il fallait conclure, et c’est ici que l’auteur a témoigné de quelque embarras. Notez que, le lendemain matin, les infortunés parens ne sont pas encore détrompés et croient toujours leur fils coupable. M. Lagarde a résolu d’envoyer le jeune Fernand se faire oublier et se régénérer au Brésil, lorsque Marie-Louise crie qu’elle est la coupable. Fernand ne partira pas, puisqu’il est innocent. Ce sont les Voysin qui partiront à sa place. Là-bas, dans la retraite, Richard Voysin aura le loisir de refaire l’éducation de Marie-Louise et de la convaincre qu’une femme de la société, quand elle est en villégiature chez des amis, doit s’abstenir de forcer les tiroirs… Et voilà, s’il en fut, du théâtre d’action. Ce qu’on appelle de ce nom, c’est le théâtre où sentimens, caractères, mœurs, milieu, sont sans importance. Rien n’y signifie que les faits et leur agencement. Cela pourrait se passer chez les sauvages ; il suffirait qu’on eût volé le grand fétiche, qu’un innocent fût accusé, qu’on découvrit enfin le vrai coupable. Et la pièce pourrait se jouer en pantomime, ce qui est le signe lui-même auquel on reconnaît un chef-d’œuvre dans ce genre de théâtre.

Tout de même, et si peu d’intérêt que cela puisse avoir, il est impossible que nous ne réfléchissions pas au genre « d’action » qu’on vient d’étaler sous nos yeux. L’an dernier, dans La Rafale, M. Bernstein avait choisi comme héroïne une femme qui suppliait son père de lui donner de l’argent pour payer les dettes de son amant, aigrefin qui jouait au jeu des sommes qui ne lui appartenaient pas. Et il nous invitait à plaindre la grande amoureuse, en même temps qu’à admirer la fierté d’âme de l’aigrefin. Cette fois, il a pris pour personnage principal une voleuse. Cette voleuse, la rend-il méprisable, haïssable ? Nullement. Elle est si jolie, si gracieuse, si câline, d’un charme si enveloppant ! Nous ne sommes pas de marbre. Elle s’habille si bien ! Devant ces toilettes qui sont des œuvres d’art, aurons-nous l’indiscrétion de rechercher avec beaucoup de sévérité d’où vient l’argent ? Elle souffre si véritablement ! Surtout elle est si amoureuse ! Et n’est-ce pas la première qualité que nous apprécions chez une femme ? Vraiment, nous n’arrivons pas à maudire Marie-Louise. Nous envierions plutôt ce mari aimé jusqu’au crime. Hélas ! jamais une femme ne s’est faite voleuse pour nous plaire….

Le drame vigoureux de M. Bernstein est la forme brutale du