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couleurs, puisque à ce procédé les aquarelles n’ont presque rien perdu de l’éclat de leur coloris et que le sentiment de la nature s’y révèle avec toute la sincérité des grands artistes.

Après les nombreuses et magnifiques publications faites sur Rembrandt dans ces dernières années le troisième centenaire de sa naissance a été l’occasion d’études remarquables sur sa vie, ses œuvres, sa famille et ses amis. Les Hollandais se sont surtout distingués par leurs recherches. C’est en s’aidant des précieuses découvertes de M. A. Bredius, le conservateur du Musée Royal de La Haye, l’un des hommes qui ont le plus fait pour l’histoire de l’art en Hollande, que M. G. Hofste de Groot vient de réunir en volume dans l’ordre chronologique, en les commentant avec autant de goût que de savoir, tous les documens que l’on possède sur Rembrandt. Un érudit allemand, M. Valentiner, a, de son côté, fourni des informations très précises sur son caractère, ses habitudes, sur sa vie intime. Tous ces travaux s’ajoutant à ses heureuses trouvailles ont permis à M. Emile Michel, l’éminent critique, qui a donné ici même de si belles, de si solides et de si éloquentes études sur le maître d’Anvers, de les compléter sur quelques points, dans cette nouvelle et magnifique édition[1]. On ne pouvait mieux rendre que ne l’a fait l’auteur de ce livre, les traits de cette grande figure, de cette existence de Rembrandt qui est, comme sa peinture, pleine de demi-teintes et de coins sombres, mais sur laquelle on sait, aujourd’hui, à peu près tout ce qu’on peut savoir. Quand on aura lu M. Emile Michel, on n’ignorera plus rien de sa vie, de son œuvre, de ses penchans, de ses conceptions, de sa poétique, de sa méthode, et de la nature de sa peinture solide, mâle et substantielle, et qui, ainsi que l’a dit Fromentin, n’est qu’une spiritualisation audacieuse et naturelle des élémens matériels. A Leyde, où il naquit le 15 juillet 1606, nous assistons aux premières manifestations de sa vocation dès l’âge de quinze ans, à son apprentissage chez Jacob van Swanenburch, puis à Amsterdam, dans l’atelier de Pieter Lastman. Six mois après, il était de retour à Leyde où « il trouve bon, comme le dit le bourgmestre Orlers, l’un de ses biographes, d’étudier et d’exercer la peinture seul et à sa guise, faisant des dessins et des peintures d’après lui-même » et gravant ses premières eaux-fortes jusqu’au jour où il s’essaie à des compositions dans lesquelles, en donnant plus librement carrière à son imagination créatrice, il va définitivement s’établir à Amsterdam qui vers cette époque (1630), grâce à sa

  1. Hachette.