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respectueux et toujours à sa place ; » place assez modeste sans doute en comparaison de celle d’un duc et pair.

Le médecin du XXe siècle, s’il lui plaît « sortir de son état, » peut donc tenir un rang beaucoup plus haut que jadis dans la politique ; mais il ne peut plus comme jadis tenir, de par la politique, le premier rang dans le corps médical. Or il est clair que, dans notre démocratie, un grand médecin est supérieur à un simple ministre. Quant aux docteurs de petite ville, il n’en est plus, même sans le secours d’aucune protection, d’assez pauvres en honoraires, pour que leurs fils soient réduits à débuter par une place de valet, ainsi que Guillaume Dubois, le futur cardinal, fils d’un médecin de Brive sous Louis XIV.


II

En droit, nul ne pouvait exercer la médecine sans être gradué d’une faculté. Il y en eut douze ou quinze, suivant les dates ; deux seulement, Paris et Montpellier, étaient sérieuses : coûteuses aussi, Paris surtout, où le prix des « actes » réglementaires montait à 14 000 francs. A Angers, Caen, Valence, Aix, Toulouse, Avignon, on était reçu à meilleur marché, et l’on était reçu toujours. Ces « petites universités »ne renvoyaient personne. Si le candidat, trop ignorant, ne pouvait acheter son parchemin dans l’une, il allait dans l’autre ; sans compter que les faux diplômes ne manquaient pas et, « si l’on ne trouve remède à cet abus, écrivait Gui Patin, il sera plus grand nombre de médecins en France qu’il n’y a de pommes en Normandie ou de frati en Italie et en Espagne. »

En fait, il existait, dans les villes de quelque importance, des « collèges de médecins, » corporations qui se recrutaient sur place et auxquelles il suffisait d’être affilié pour pratiquer librement, dans la localité, l’art de guérir à petit prix. Les médecins qui avaient coiffé le bonnet de docteur en province ne pouvaient exercer à Paris, sans subir un nouvel examen devant les régens de la capitale.

Ceux-ci avaient une haute idée de leur mérite. Molière ne pouvait feuilleter sans doute leurs registres, ni assister à toutes leurs cérémonies ; il y eût glané de bien jolis traits : et par exemple, cette formule, Medicus Deo similis, choisie par un docteur en une circonstance solennelle pour texte de ses discours à