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soignait- indistinctement « les pulmoniques » et la « fièvre pourpre, » « les gouttes, » la fièvre « double-tierce, » aussi bien que les pestiférés.

A prix d’ailleurs très variables. Aux temps modernes, il ne se voyait guère de médecins gagés à l’année et défrayés, comme au moyen âge, chez les seigneurs auxquels ils « appartenaient, » sauf les médecins des princes et du roi ayant « bouche, à la Cour. » Le « premier médecin » était, au point de vue pécuniaire, hors de pair. Outre les appointemens de sa charge — et l’on a vu ce que d’Aquin savait en tirer, — son successeur Fagon touchait au Jardin des Plantes, dont il était de droit surintendant, 28 000 francs par an ; tandis que l’aîné des Jussieu s’y contentait de 4 000 francs comme « démonstrateur. »

Mais ces postes lucratifs coûtaient assez cher. L’emploi de médecin ordinaire du Roi s’achetait 210 000 francs, soit ostensiblement, soit en secret, sous forme de pot-de-vin versé à de puissans protecteurs par celui qui paraissait nommé gratis. À ces exceptions près, il n’y avait de médecins à traitemens fixes que ceux des hospices, ou de quelques établissemens industriels : tel celui de la saunerie de Salins (Franche-Comté), attitré « pour la Visitation des officiers et ouvriers, » qui recevait 250 francs par an. Aujourd’hui, les médecins attachés, par contrat, à certaines de nos grandes usines métallurgiques ou alimentaires ont environ 12 000 francs d’appointemens.

Comme le médecin contemporain, celui des derniers siècles vivait de ses honoraires, mais il en vivait très modestement ; non seulement parce que ses visites étaient moins rétribuées, mais aussi, parce qu’il en faisait beaucoup moins. En province, aujourd’hui, la visite se paie de 3 à 5 francs, plus une indemnité de déplacement d’environ un franc par kilomètre, qui égalise les situations des médecins de campagne et de petites villes. A Paris, les honoraires varient de 3 francs, dans les quartiers ouvriers, et de S francs dans les autres, jusqu’à 50 francs pour les « consultations de médecins d’hôpitaux et jusqu’à 100 francs pour ceux qui ont titre de « professeurs. »

Mais le docteur parisien qui soigne la clientèle populaire, bien qu’il doive s’abstenir de jamais revenir chez un malade sans y être appelé de nouveau, peut faire trente visites par jour dans son arrondissement et gagner souvent 30 000 francs par an, c’est-à-dire bien davantage que la plupart de ses confrères des