Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 37.djvu/136

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’Anvers et, pour une longue fièvre dont il a été traité, 75 francs d’argent ou 100 francs de gravures.

Quoiqu’il ne fût pas dans l’usage d’envoyer à ses cliens, comme de nos jours, la note de ses honoraires, le médecin d’autrefois ne laissait pas de réclamer : aux dépenses de La Trémoïlle en 1723 figure une somme de 364 francs, versée « à M. Helvétius, docteur en médecine, pour les visites rendues à Son Altesse Monseigneur le duc pendant qu’il avait été malade de la rougeole ; » et, plus loin, 243 francs « encore payés audit Sieur Helvétius pour les mêmes honoraires sur ce qu’il avait témoigné n’être pas content. » A coup sûr Jean-Claude Helvétius, le médecin de Louis XV, fils d’un docteur en renom et père du fermier général philosophe, était une sommité qui avait ses exigences ; pourtant, à M. Dumoulin il fut alloué 324 francs pour les soins donnés au même duc pendant sa dernière maladie (1741).

Les grands seigneurs de l’ancien régime, quoiqu’ils payassent beaucoup moins cher que nos riches contemporains, payaient beaucoup plus que le commun des gentilshommes et des bourgeois aisés. Or, ceux-ci étaient mille fois plus nombreux : Mlle de Tarente tombe malade à l’abbaye de Maubuisson où elle était élevée (1675) ; on envoie de Paris le médecin de la famille dans un carrosse de louage à 4 chevaux, qui coûte 49 francs, et l’on donne au docteur 65 francs d’honoraires. Le président de Cannapeville ne payait que 15 à 20 francs, par voyage, le médecin qui venait de Rouen à son château où, vu la longueur du trajet, il fallait coucher (1755) ; et il n’en coûtait que 7 à 10 francs à M. d’Espesses, maître d’hôtel du Roi, beau-frère de Saumaise (1655), pour les déplacemens du médecin qu’il appelait de Corbeil à Evry, de jour ou de nuit.

Il n’en coûte que 84 francs à M. de Laporte de La Ségalassière, gentilhomme d’Auvergne, pour neuf jours de présence du médecin qu’il a fait venir et qui, durant ces neuf jours, le saigne, le purge et lui administre 6 lavemens et force potions.

La justice rémunérait plus largement à proportion les expertises qu’elle confiait aux hommes de l’art, témoin le médecin « sermenté » de Lille, au XVIe siècle, taxé à 32 francs pour examiner un individu « que l’on disait être homme et femme tout ensemble, dont grand scandale pourrait être en cette ville. » A la même époque trois médecins demandaient 200 francs pour l’examen d’un cadavre exhumé, « attendu la grande puanteur et infection. »