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III

De nos jours, la qualité de « médecin d’hospice » est, dans les villes de province, un accessoire honorable qui vaut à quelque praticien local un millier de francs d’émolumens ; à Paris, c’est une dignité très éminente bien qu’à peine rétribuée. Les titulaires l’exercent en moyenne pour 1500 francs par an ; mais, classés de par cette fonction même dans l’élite du corps médical, ils gagnent avec leur clientèle une centaine de mille francs par an.

C’est l’honneur du temps présent que le fait d’être choisi pour soigner les pauvres désigne le docteur à la confiance des riches et assure sa fortune. Il n’en allait pas de même naguère : les physiciens illustres n’étaient pas ceux des hospices, mais ceux des châteaux. Leurs services étaient réservés aux maîtres dont ils étaient le plus souvent commensaux, qu’ils suivaient dans leurs déplacemens et à la guerre et, s’ils soignaient d’autres personnages, ce ne devait être que sur l’ordre ou du consentement de leurs patrons.

Quant aux médecins d’hôpitaux, s’ils se contentaient d’assez peu de chose, ce n’était pas sans doute par désintéressement excessif : en temps d’épidémie ils se rattrapaient. Celui qui ne touchait pas plus de 600 à 700 francs par an, en période normale, exigeait dix et quinze fois plus « pendant la contagion, » pour soigner les « pestiférés : » 6 900 francs à Orléans en 1602, 9 250 francs à Montélimar en 1586, 11 700 francs à Perpignan en 1592. Les municipalités, il est vrai, forcées de subir ces prix pour n’être pas abandonnées de leurs praticiens, stipulaient alors un tarif au mois ou à la journée.

Les traitemens de médecins des hospices, très variables suivant les localités et les époques, n’ont pas augmenté, dans leur ensemble, depuis le moyen âge jusqu’à la Révolution. Parfois même ils ont diminué sans qu’on en puisse dire le motif, et sans doute parce que l’ancien effectif des docteurs nous est inconnu. En effet, suivant que leur nombre croissait ou diminuait, les prix devaient s’en ressentir très vite dans ces contrats passés entre un personnel restreint et des municipalités qui marchandaient toujours. Il faudrait connaître aussi les obligations imposées, le service exigé : à l’Hôtel-Dieu de Paris, par exemple, les premiers médecins sont payés 232 francs en 1445, 835 francs