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de terre fauve. Il est toujours enveloppé d’un vol de papangues battant leurs pesantes ailes brunes. Sur le pourtour du littoral la verdure se ramasse en bosses. La côte est à pic. C’est la première ondulation, rugueuse, de la grande terre malgache qui insensiblement s’élève vers le Sud s’élargissant de plus en plus en un immense rectangle montagneux.


Le relief en est caractéristique : s’il est dû comme partout aux deux grands agens constitutifs des montagnes, — la pression interne (ou orogénie), qui soulève les sommets, et l’érosion qui, par un travail contraire, y creuse les vallées, — il est remarquable en ce qu’au lieu d’être dû à leur collaboration millénaire, il présente dans l’ensemble une opposition imposante et, si l’on peut dire, un heurt de contrastes intimement soudés, les deux agens s’étant à peu près partagé le pays en deux régions devenues très différentes ; la frontière en est une ligne qui va de la baie de Mahajamba au cap Sainte-Marie, et de part et d’autre varient la nature de la roche, la couleur du sol, les linéamens mêmes du paysage[1]. C’est, d’une part, prenant tout l’Est et le Centre et s’allongeant du Nord au Sud sur les deux tiers de la superficie, un haut massif de gneiss, formé par une agglomération de plissemens longitudinaux parallèles N.-N.-E. —S.-S.-O. qu’a soulevés un mouvement uniforme de pression latérale violente ; le modelé de ce massif déchaussé jusqu’à la base, tout en chaînes de mamelons et de pics, reste presque entièrement tel qu’il a été à l’origine déterminé par le mouvement orogénique. Et c’est d’autre part, à l’Ouest, la Haute Plaine des terrains sédimentaires tout en tables, en causses calcaires et en plateaux de grès rouges qui s’élargit contre le flanc du Plateau Central ; elle, au contraire, est modelée par l’érosion qui a encombré les cuvettes et les vallées primitives, au point de forcer les grands fleuves à suivre bizarrement une direction perpendiculaire à celle des vallées, car ils les traversent de biais au lieu de les utiliser : ainsi elle a fait reculer le canal de Mozambique dans un large mouvement qui a exactement le dessin d’une lame qui se retire, et l’on peut discerner les quatre lignes parallèles successives des anciens rivages, étapes de la mer qui s’avançait jadis jusqu’au Plateau.

Cette érosion extraordinairement active, comme est tout

  1. Gautier, Madagascar, essai de géographie physique, Challamel, 1902.