Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 37.djvu/239

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour juge entre le Reichstag et lui. Les élections doivent avoir lieu dans les deux mois, et la nouvelle assemblée doit se réunir un mois plus tard.

L’Allemagne est donc engagée dans une crise politique et électorale dont le dénouement sera bientôt connu : en attendant, nous nous abstiendrons de le préjuger. Nous avons déjà beaucoup de peine avoir clair dans nos propres élections pendant qu’elles se préparent, et nous nous sommes plus d’une fois trompés sur les résultats qu’elles devaient donner : ce serait s’exposer à des chances d’erreur encore plus grandes que d’émettre des prévisions sur des élections étrangères. Il est certain que le vote du Centre catholique a créé quelque confusion. Le Centre, en effet, s’est trouvé voter avec les socialistes : c’est avec eux les Polonais, les Danois, les Alsaciens-Lorrains, qu’il a fait la majorité. Pure rencontre, sans doute ; il ne saurait y avoir d’alliance véritable et durable entre les catholiques et les socialistes ; en tout cas, il n’y en avait pas le 13 décembre. Mais cette rencontre est de nature à jeter du trouble dans les esprits, et c’est peut-être sur cela que le gouvernement acompte. M. de Bülow, dans son discours, s’est effectivement appliqué à confondre les députés du Centre avec les adversaires de la politique d’expansion et de grandeur nationales, et le premier cri qui a été lancé dans l’arène électorale a été : Guerre au Centre et au socialisme. Mais il y a encore six semaines avant les élections : d’ici là, les choses pourraient bien se modifier quelque peu. Il est difficile de créer en Allemagne, c’est-à-dire dans un pays où les intérêts, les idées, les préjugés locaux conservent une grande force, un courant électoral tout nouveau. Le Contre n’a d’ailleurs pas voté tout entier contre le gouvernement : celui-ci doit donc faire des exceptions parmi les membres du groupe qu’il combat. Enfin le Centre a, dans une partie du pays, des attaches très puissantes, et les socialistes commencent à en avoir partout où il y a du mécontentement. L’ordre, le plan de la bataille pourront se modifier quelque peu avant la fin. Ce serait déjà un résultat que d’avoir rendu le Centre plus traitable : peut-être s’en contentera-t-on. Mais nous ne sommes qu’au début de cette grande opération politique, et personne encore n’a une vue bien claire de ce que peuvent en être les suites.


FRANCIS CHARMES.