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HONNEUR MILITAIRE[1]

GUERRE D’ITALIE (1859)


On ne sait bien qu’on aime que lorsqu’on se quitte, qu’on est absent ou qu’on se revoit.
(NAPOLEON au prince EUGENE.)


I

C’était au printemps de 1859. Après une vie heureuse, aurore très pure d’un jour d’orage, de dures épreuves commencèrent.

Nous étions cinq : un père intelligent et ferme, une mère aimable, d’esprit judicieux, de cœur parfait ; trois enfans dont deux fils, bien doués. Jean, notre aîné, sorti de Saint-Cyr en 1857, faisait ses débuts dans un régiment d’Afrique, et Robert, le plus jeune de nous, achevait à Brest sa seconde année d’études maritimes sur le vaisseau-école le Borda. Je restais donc seule au foyer avec mes parens.

À cette époque ma famille habitait le Havre, que nous devions bientôt quitter, car mon père, officier supérieur, venait d’être appelé à l’un

  1. Sous ce titre qui semble bien le seul qui leur convienne, nous avons réuni les lettres écrites pendant les campagnes d’Italie, de Cochinchine et la guerre de 1870-1871, par trois vaillans officiers, le père et les deux fils. Nous devons la communication de cette correspondance, jusqu’ici inédite, à la seule personne qui soit restée de cette famille militaire. Elle a voulu que ces lettres fussent enfin publiées, en souvenir des siens dont on ne donne ici que les prénoms, et pour témoigner aussi de l’esprit d’abnégation, d’héroïsme et de foi qui animèrent les soldats d’une armée trop souvent mal jugée, sinon calomniée.