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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 37.djvu/400

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et puis, en deux volumes qui sont la consécration de son enseignement, M. Godefroid Kurth sauve de l’oubli un grand évêque du Xe siècle, Notger, fondateur de cet État liégeois où il fit bon vivre sous la crosse, et créateur, à Liège, d’un grand foyer d’études où venaient s’éclairer toutes les nations[1]. En même temps, il lève un coin du voile qui recouvre la personnalité du « bienheureux Jean, » l’Angelico liégeois, digne de mémoire et de respect parce qu’il fit « naître à Liège, sous les auspices de la religion et à l’ombre du sanctuaire, le grand art national[2]. » Mais il faut encore que la cité liégeoise, qu’elle en ait cure ou non, accepte une autre gloire : M. Kurth rappelle avec complaisance que, née d’un mouvement de ferveur, elle compta plus qu’aucune autre cité dans l’histoire de la ferveur ; éclose sur une tombe de martyr, elle sut imposer à l’univers entier les propres initiatives de sa piété, en faisant admettre dans la liturgie catholique la fête de la Trinité et la Fête-Dieu[3]. M. Kurth s’émeut en songeant que Liège intervint ainsi dans les rapports de la terre et du ciel ; et son attachement pour cette ville adoptive est comme scellé par son ardente dévotion.

Car il est pieux et veut qu’on le sache ; il est pieux, d’une piété que l’histoire alimente, d’une piété que le passé satisfait, que le présent chagrine, et que l’avenir rassure ; d’une piété, enfin, qui ne fait qu’un avec son patriotisme. C’est en replaçant la Belgique de jadis dans le cadre de la vieille chrétienté, qu’il aime la Belgique et qu’il enseigne à l’aimer ; c’est en admirant, dans la Belgique de jadis, l’épanouissement de la liberté chrétienne et de l’amour chrétien, qu’il a été amené à écrire un Manuel d’histoire de Belgique récemment prôné par M. Beernaert comme un « merveilleux abrégé de l’histoire nationale[4]. » Par le Manuel, de nombreux enfans de Belgique connaîtront désormais le nom et l’âme de M. Godefroid Kurth ; ils s’accoutumeront, à la suite de l’auteur, à confondre dans un même attachement le Christ, la démocratie, et les Belges fils des Francs. Dans sa retraite de Rome, où le gouvernement de Bruxelles vient de l’appeler à diriger un institut historique, M. Kurth pourra goûter de poétiques émotions en songeant qu’à l’école de son

  1. Kurth, Notger de Liège, I, p. 299 et 345.
  2. Kurth, Le peintre Jean, p. 12-13 (Liège, Cormaux, 1904).
  3. Kurth, Catalogue de l’exposition de l’art ancien, p. 1.
  4. La Dépêche de Liège, 18 juillet 1906.