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d’après les dimensions minima et maxima de la sardine et va de 46 à 75 millimètres. Le poisson se doit prendre par les ouïes : que la maille soit trop étroite, il tourne bride ; trop large, il passe au travers. D’où la nécessité d’avoir à bord un certain nombre de filets de « moules » différens.

Acquisition dispendieuse, d’autant que, vienne une bourrasque, et le filet est perdu ; il y suffit de moins quelquefois, d’un « béluga » qui s’amuse et, en trois coups de queue, déchire toute cette dentelle. Le filet à sardines est tissu d’un fil aussi mince que possible ; pour le rendre moins visible encore, on le passe au sulfate de fer qui lui donne la teinte bleutée de l’eau de mer. Telle est la défiance de ce capricieux petit poisson qu’il n’est sorte de précaution qu’on ne doive prendre pour éviter de l’effrayer. Une fois sur la gleurre, les mâts sont abattus, les filets immergés. Silence complet sur toute la ligne ; tandis que deux hommes de l’équipage, les « teneurs, » saisissent leurs lourds avirons de vingt pieds et se mettent à « nager » doucement, presque sans bruit, pour « tenir la barque bout au vent, » le patron se poste sur la « chambre » et sonde les profondeurs de cet œil aigu du marin qui vaut les meilleurs télescopes. Egrenés jusqu’à l’horizon, sept, huit cents bateaux sont là quelquefois à la file et, dans la grise immensité, toutes ces hautes silhouettes patronales, debout à l’arrière des barques et se découpant en vigueur sur le ciel, ont moins l’air d’interroger la gleurre que de célébrer quelque office mystérieux. De fait, la pêche, il y a quelques années, débutait comme une cérémonie religieuse : dans le Finistère, par un grand signe de croix du patron et une brève oraison que, tête nue, répétait tout l’équipage ; dans le Morbihan, par une aspersion d’eau bénite sur les engins et sur la mer. Ces usages n’ont peut-être pas complètement disparu et il y a encore, en Bretagne, des bateaux « chrétiens. » On commence à les compter, cependant[1], Le gamblot (sorte de grande cuiller en bois) d’une main, chaque patron puise tour à tour dans un des deux baillets posés près de lui. L’un des baillets est chargé de gueldre, l’autre de rogue. C’est avec ce dernier appât qu’on prend la sardine ; mais il coûte extrêmement cher. Aussi nos pêcheurs en sont-ils très ménagers. Avant de s’en servir, ils veulent savoir si l’emplacement est bon. Ils com-

  1. Au 15 août dernier, me dit-on, sur le passage de la procession, un tiers seulement des barques de Douarnenez était pavoisé.