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Compagnie de l’Ouest, sans lui donner le temps de les examiner. Le bruit a couru que des scènes assez vives auraient eu lieu entre les commissions des finances et des chemins de fer d’une part, et les ministres des Finances et des Travaux publics de l’autre. Les échos du Luxembourg en ont retenti, et la presse s’en est emparée ; mais on aurait tort peut-être d’y attacher trop d’importance. Les discussions publiques seules montreront s’il y a un dissentiment véritable entre le Sénat et le ministère. Néanmoins, l’impression produite par ces incidens n’a pas été favorable à ce dernier. Il a paru plus fragile qu’on ne l’avait cru jusqu’ici. Peut-être, en effet, faudrait-il peu de chose pour le renverser. S’il était vivement attaqué, il serait défendu avec mollesse, car personne ne tient beaucoup à sa conservation. Mais personne non plus ne tient à sa chute immédiate, car on ne sait pas par qui il serait remplacé. Aucun groupement solide ne s’est encore formé à la Chambre ; aucun homme marquant n’a pris la tête d’un mouvement quelconque dans un sens déterminé ; le vrai caractère du moment actuel est l’embarras, l’hésitation, l’atonie. Le ministère lui-même, en dépit de la personnalité de M. Clemenceau et de quelques-uns de ses collègues, semble participer à l’inertie générale, et ce qu’on peut dire de mieux sur son compte est qu’il ne gêne personne. Peut-être y a-t-il là pour lui des chances de durée. Le jour où il voudrait agir fortement, il serait combattu et sans doute renversé : mais aussi longtemps qu’il cherchera sa voie et que la Chambre cherchera la sienne, la situation pourra se prolonger. Nous sommes évidemment dans une heure d’attente et de transition.

Au reste, toutes les questions financières, économiques, sociales même, s’effacent aujourd’hui devant l’intérêt que présente la question religieuse. Ceux qui avaient cru, dans la légèreté de leur âme, qu’elle était définitivement tranchée par la loi de séparation ont été obligés depuis de reconnaître leur erreur, et, éclairés par l’expérience, ils se demandent maintenant si la nouvelle loi, — elle porte la date du 2 janvier 1907, — produira des effets plus stables. Il y dans l’air de la préoccupation et de l’inquiétude. Ces sentimens deviennent plus vifs au moment où, pour la troisième fois, l’épiscopat français se réunit. On se demande s’il prendra enfin les résolutions qui, jusqu’à ce jour, sont restées en suspens, et ce qu’elles seront. Il est difficile, impossible même, de demeurer plus longtemps dans l’incertitude, car depuis un mois les événemens se sont précipités. La séparation des deux pouvoirs est devenue effective ; elle est brusquement entrée dans la période d’exécution. Le délai d’un an sur lequel on avait cru pouvoir