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demi-satisfaction. Zinat, le repaire de Raïsouli, a été occupé et détruit ; mais le brigand s’est enfui, et on a manœuvré contre lui de telle sorte qu’il devait inévitablement s’échapper. Or, jusqu’à ce qu’il soit mort ou prisonnier, les esprits resteront agités dans toute la région de Tanger et la sécurité y sera précaire. Raïsouli en liberté n’a pas d’autre pensée que de se venger : il est à craindre que les moyens ne lui en fassent pas défaut.

La dernière fois que nous avons parlé du Maroc, nous avons laissé les escadres française et espagnole dans la rade de Tanger, en exprimant le souhait que leur présence agît sur le Maghzen comme un stimulant énergique et que nous ne fussions pas obligés de débarquer nos troupes. Si elles avaient été débarquées, nous aurions été engagés dans une affaire dont nous serions sans doute venus à bout sans beaucoup de peine, mais qui, dans le cas où les péripéties s’en seraient prolongées, nous aurait exposés à des complications de genres divers. Nous avions fait connaître nos intentions aux puissances sans, rencontrer d’objections de la part d’aucune d’elles. Toutes ont eu confiance dans notre loyauté, et elles ont pu reconnaître depuis à quel point cette confiance était justifiée. Il nous aurait été facile de trouver, si nous l’avions voulu, un prétexte pour descendre à terre et y prendre pied : nous nous sommes gardés de le chercher, l’Espagne et nous, et nous avons attendu avec quelque patience que le Maghzen fît lui-même acte d’autorité et de gouvernement.

Dès l’arrivée de nos escadres, le Maghzen s’est ému : il a compris que, s’il ne faisait rien, nous serions forcément amenés à faire quelque chose, et que le meilleur moyen, sinon le seul, d’empêcher notre intervention policière de se produire, était de sortir de sa longue torpeur et d’envoyer des troupes en quantité suffisante pour mettre Raïsouli à la raison. Le bruit s’est répandu aussitôt que le Maghzen envoyait effectivement à Tanger une mehalla, une troupe armée, sous les ordres du ministre de la Guerre, Si Mohammet el Guebbas. Si Guebbas est un homme intelligent, avec lequel nous avons eu des relations nombreuses lorsque nous avons réglé avec le Maghzen les questions relatives à notre commune frontière. Il a habité Alger pendant plusieurs mois. Le fait même qu’il était à la tête de la mehalla donnait une assez bonne opinion de ce qu’elle devait être ; mais encore fallait-il la voir pour se rendre compte de sa force effective. Elle s’est fait attendre assez longtemps avant d’arriver devant Tanger. Tous les jours, on annonçait qu’elle avait fait un certain nombre de kilomètres et qu’elle ne pouvait plus tarder beaucoup à se