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dont le premier mouvement avait été de se rallier. Elles se sont demandé si le brigand, qui était le plus hardi, ne serait pas le plus fort. Raïsouli avait compris, en effet, qu’il ne pouvait relever ses affaires qu’en payant d’audace et jamais il n’en avait montré davantage. Il continuait de répandre la terreur partout où son bras pouvait atteindre. Les journaux ont raconté son dernier exploit, qui est certainement un des plus propres à découvrir son caractère. Un de ses partisans, après l’avoir abandonné, mariait un de ses enfans, et se croyait en sûreté dans le voisinage de la mehalla ; mais la mehalla semblait dormir tandis que Raïsouli veillait. Il apparut tout d’un coup au milieu de la fête de famille, s’empara du traître et lui fit trancher la tête sans autre forme de procès. Il n’y avait évidemment aucune soumission à espérer d’un pareil homme. Son prestige, un moment éclipsé par celui de Si Guebbas et de sa mehalla, commençait à se relever et à reprendre son éclat. Il a fallu se déterminer à l’action.

On sait que la principale résidence de Raïsouli était à Zinat, à quelques kilomètres de Tanger. Il y avait accumulé ses richesses, c’est-à-dire les produits de ses déprédations, et concentré ses forces. Attaquer, prendre et détruire Zinat devenait le premier objet que Si Guebbas devait se proposer ; mais, pour que le succès fût complet, il aurait fallu s’emparer de Raïsouli, et il était facile de prévoir que, lorsqu’il se sentirait traqué de trop près dans ses retranchemens, il se sauverait à travers la montagne, à moins qu’on ne manœuvrât habilement pour lui couper la retraite. La manœuvre n’a-t-elle pas été faite, ou n’a-t-elle pas réussi ? Nous l’ignorons : ce qui est sûr, c’est que Raisouli s’est échappé. La marche sur Zinat ne paraît pas avoir été une affaire héroïque, bien que le chef de la mehalla, Bouchta Ben-Baghadi, ait reçu une balle perdue dans l’oreille et se soit bien comporté. D’une manière générale, les troupes chérifiennes se sont tenues à une distance assez grande de l’ennemi pour que le feu ne fût bien efficace, ni d’un côté, ni de l’autre. Alors on a fait donner le canon, mais il a été tout de suite évident que les officiers marocains connaissaient mal le métier d’artilleurs : leurs boulets ne portaient pas sur Zinat, et paraissaient ne faire aucun mal à la forteresse. Telle a été la première journée : quand elle a été finie, personne ne l’a considérée comme décisive. Il y avait dans la mehalla quelque surprise de la résistance énergique faite par Raïsouli, et aussi un peu de découragement. Les tribus voisines, voyant la victoire incertaine, se tenaient de plus en plus sur la réserve. En un mot, tout était à