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recommencer. On s’est décidé finalement à faire appel aux connaissances techniques du lieutenant Ben Sedira, de la mission militaire française. Les soldats du Maghzen reconnaissaient qu’ils ne pouvaient pas terminer la besogne à eux tout seuls : ils avaient recours à un de nos officiers. Le combat d’artillerie reprit donc le lendemain sous la direction de Ben Sedira. Aussitôt les boulets, mieux dirigés, tombèrent sur la forteresse et y firent de larges brèches, mais on s’aperçut que personne ne ripostait plus. Zinat avait-il été abandonné, ou bien était-ce une ruse de Raïsouli pour attirer les soldats du Maghzen dans une embuscade ? C’est la question que] tout le monde se posait : quelques hommes entreprenans se chargèrent de la résoudre en faisant une reconnaissance. Il n’y avait plus personne à Zinat. Raïsouli et les siens s’étaient sauvés en emportant leurs morts et leurs blessés : on n’en a trouvé aucun. Une quinzaine de prisonniers faits par le brigand ont été délivrés. Sa maison a été livrée au pillage et finalement incendiée.

Le pillage a été la principale opération de cette seconde journée, et de beaucoup la mieux faite. Tout le monde y a pris part avec un merveilleux entrain. Raisouli avait accumulé, suivant le hasard de ses prises, les objets les plus divers et quelquefois les plus hétéroclites. Il parait que Si Guebbas, au moment où il les a mis en mouvement, a dit à ses soldats : « Apportez-moi des têtes et prenez le butin. » Ils n’ont apporté aucune tête, mais ils n’ont rien laissé du butin, et c’était, paraît-il, un spectacle pittoresque de voir déambuler à travers la campagne entre Zinat et Tanger des gens portant du blé, de l’huile, du pétrole, des chaises, des tables, des canapés, des cages d’oiseaux, etc. Tous ces objets ont fini par se trouver réunis au Grand-Socco, qui est le marché de Tanger, et y ont été mis en vente. Il y a quelques jours à peine, Raïsouli était maître du Socco ; il y régnait par la terreur et y exerçait la police à sa manière. C’est là que ses dépouilles ont été déposées par des centaines de mains et sont passées dans d’autres. Nous citons ces détails, qui n’ont pas en eux-mêmes grande importance, parce qu’ils sont des traits de mœurs marocaines. Raïsouli, après en avoir dévalisé tant d’autres, a été dévalisé à son tour : sa maison a été détruite, et cette fois son prestige a certainement reçu quelque atteinte ; mais ce prestige n’a pas été détruit, et on aurait tort de se croire définitivement débarrassé du brigand. On ne le sera que lorsqu’on l’aura fait prisonnier, ou lorsqu’on aura organisé à Tanger une police suffisante pour l’empêcher de reprendre le cours de ses opérations. Il ne sera pas facile de