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Les prêtres restés à l’intérieur, ceux qui se hasardaient à rentrer, répondaient souvent à la persécution par des violences de parole et de conduite. Chez ce clergé, à côté d’admirables et toutes chrétiennes vertus, on aperçoit des passions exaspérées par la souffrance et l’injustice. Ces prêtres mis hors la loi se comportent en ennemis des lois. En départemens de guerre civile et de banditisme, en ces sombres régions, on voit des prêtres s’enrôler dans les guérillas contre-révolutionnaires. Dans l’Aveyron, on en signale un qui s’est fait chef de bande : « réuni avec six autres prêtres de la même espèce, retiré dans les lieux les plus sauvages du département, c’est au milieu des bois, toujours muni de pistolets, qu’il célébrait les cérémonies ; il avait enfin poussé les excès à un tel point que les prêtres réfractaires l’avaient eux-mêmes frappé d’interdiction avec ses collègues[1]. » Dans le Gard, on arrête un ex-prieur désigné sous le nom de Sans-Peur : « déjà condamné à mort depuis six ans, il officiait armé de deux paires de pistolets, d’un sabre et d’un fusil à deux coups posés sur l’autel[2]. » Un prêtre se fait tuer à la tête des insurgés de la Haute-Garonne. Faits exceptionnels, caractéristiques néanmoins de l’état de guerre aigu qui subsiste entre l’État révolutionnaire et l’Église ! Dans tous les départemens, les rapports administratifs accusent au moins les prêtres de fomenter la haine de la République, la désobéissance aux lois, et d’employer à cette fin la prédication sourde, les instructions privées, le confessionnal. Un des reproches qu’on leur adresse le plus souvent est d’inciter les conscrits à la désertion. Il est positif qu’en beaucoup de lieux, les prêtres faisaient cause commune avec l’agitation royaliste et la réaction militante.

A la fin du Directoire, dans la majorité des départemens, la masse rurale tournait au royalisme ; elle avait pris en horreur le mot de République, devenu à ses yeux synonyme de persécution religieuse. Les administrateurs le constataient amèrement, mais quelques-uns, plus perspicaces que les autres, comprenaient que les paysans ne redemandaient un roi que pour ravoir la Croix : « Ceux d’entre eux qui soupirent après le retour de l’ancien régime, écrit le commissaire du Loiret, désirent encore

  1. Bibliothèque nationale, fonds français, 113651.
  2. Ibid.