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les haines et exaspérait les passions. Elle s’imposait aux Consuls, capitale dans l’Ouest, partout très grave, hérissée de difficultés, presque inextricable en ses détours, complexe et compliquée. Bonaparte l’aborda sans prétendre encore à la résoudre intégralement. Il sentait sourdre des profondeurs de la nation et monter vers lui une immense aspiration à la paix religieuse, à la tolérance ; il le sentait d’autant mieux qu’il possédait au suprême degré, comme l’a dit un homme de pensée grave[1], « l’instinct de l’instinct des multitudes. » Il voulut frapper les esprits et faire quelque chose pour le peuple chrétien, sans trop faire. Dès que la constitution de l’an VIII et le plébiscite ratificateur l’eurent établi premier Consul, il prit une série de retentissantes demi-mesures.


II

Le 7 nivôse an VIII, — 28 décembre 1799, — trois jours après son avènement à la première magistrature, il fit formuler en Conseil d’Etat plusieurs arrêtés, qui reçurent une éclatante publicité.

En premier lieu, il remettait en vigueur et comme promulguait à nouveau les lois conventionnelles de l’an III sur la liberté des cultes. Ces lois, odieusement dénaturées par le Directoire, prononçaient la séparation de l’État et des Églises et reconnaissaient la liberté de tous les cultes ; elles ne leur accordaient pourtant qu’une liberté minime, dépourvue de toute publicité en dehors des temples, garrottée de restrictions ; le mot y était plus que la chose, mais la reprise du mot par Bonaparte fut d’un puissant effet. En outre, le premier Consul décidait que les lois restitutives des églises, telles qu’elles avaient été édictées également par la Convention thermidorienne, seraient réellement exécutées, et, en fait, un plus grand nombre d’églises furent rouvertes. Bonaparte cassait les arrêtés des administrations locales qui avaient ordonné aux églises de se fermer le dimanche et de ne s’ouvrir que le Décadi : « Aucun homme ne peut dire à un autre homme : « Tu exerceras un tel culte, tu ne l’exerceras qu’un tel jour, » disait-il dans une proclamation.

Enfin, rompant avec la tradition révolutionnaire qui avait assujetti les prêtres à des sermens successifs, dont plusieurs

  1. Guizot.