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51 francs la pièce. Qu’il s’agisse du Louis XIV costumé à la romaine ou du monarque officiel en manteau fleurdelisé, c’est vraiment un prix modeste, mais c’était le tarif. De même, pour deux copies du cardinal de Coaslin, 53 francs l’une. A son frère, Rigaud donnait davantage : 206 francs pour une copie du cardinal de Boufflers.

Parmi les artistes qu’il employait ordinairement figure Joseph Parrocel, père de Charles, lui-même peintre estimé (1648-1704), auteur du Passage du Rhin et de nombreux tableaux de guerre, qui, à cinquante ans, recevait de Rigaud 96 francs « pour avoir fait un fonds et peint une bataille à une copie de Monseigneur (le Dauphin) en pied. » Les fonds paraissent la spécialité de Parrocel : il touche 140 francs « pour le fonds de Monseigneur » et, pour six autres fonds, de moindre conséquence, de M. Grimaldi, de M. de Croissy, etc., 240 francs les six.

Ces humbles confrères se partageaient des besognes définies et payées au détail : A Verly, « pour deux têtes de M. de Boufflers » 34 francs et « pour la cravate du Roi » 7 francs ; à Ranc « pour finir la cuirasse et les mains de M. de Vendôme » 48 francs ; à Prieur « pour l’habit de M. le marquis de Senecterre » 14 francs. Rigaud avait aussi des copistes à la journée ; les mieux traités touchaient 14 francs par jour. Prieur mettait cinq jours à copier une bataille, trois jours à ébaucher le portrait du Roi en pied. Il recevait 92 francs « pour finir la tête, les jambes, les souliers et la draperie de M. de Villeroy » et 193 francs « pour habiller en grand M. le vidame d’Amiens. » Moins adroit, un nommé Monmorency « habillait en grand » pour 40, 26 et même pour 17 francs seulement.

Aucun peintre du temps de Louis XV et de la fin du XVIIIe siècle ne gagne de quoi s’enrichir : les Coypel, malgré trois générations d’artistes célèbres, étaient pauvres ; les trois Drouais de même. L’avant-dernier faisait pour le duc de la Trémoïlle et pour le Roi des portraits de 500 francs chacun. Chardin est stupéfait, lui qui déjà était membre de l’Académie, de ce que Vanloo lui offre 540 francs d’une de ses natures mortes, représentant un bas-relief « feint en bronze. » À cette époque il avait du Roi pension de 1 450 francs, — chiffre honorable, les deux Boulogne, l’aîné et le jeune, avaient chacun 1 340 francs, — et un logement dans la grande galerie du Louvre. Mme Chardin entretenait les lanternes des corridors obscurs, moyennant cotisation des camarades qui