Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 37.djvu/615

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je persiste à croire que les magistrats (que je ne connais aucunement, mais qui ont, je l’imagine, une tête sur les épaules) n’ont jamais pensé à élever des juges quelconques au-dessus de la nation. En tout cas, monsieur le comte, si ces messieurs sont fous, qu’on les baigne. Je ne prends dans leur ouvrage que les monumens. Vous verrez une note sur ce point dans la deuxième édition. J’espère, d’ailleurs, que mon post-scriptum donnera pleine satisfaction au Roi.

« Ce chapitre VIII, au reste, pourrait bien n’être qu’un chapitre de circonstance, et je vous avoue que je l’ai écrit dans cet esprit. Que le Roi, dans sa sagesse, reconnaisse le droit des États généraux de consentir la loi et l’impôt ; que ce droit résulte de la Constitution écrite des Français, c’est fort bien ; il faut bien se garder de disputer sur cet article ; mais, que les Français soient faits même pour ce degré de liberté, en vérité je n’en sais rien. La postérité le saura.

« Le chapitre en question, qui vous a alarmé sous un certain point de vue, a déplu à d’autres personnes sous un point de vue bien différent. Le très estimable auteur de l’Avis des éditeurs[1] s’est fâché contre ce chapitre parce qu’il tend à prouver que les Français avaient une Constitution, ce qu’il ne croit point du tout. Je me serais même passé bien volontiers de certaines lignes de cet avis où il avoue (assurément sans commission) que je ne sais rien sur la Constitution française, ce qui tend, ce me semble, à affaiblir l’effet du livre. Je puis manquer sans doute de pénétration et de logique ; mais, pour l’étude et la réflexion, je suis sûr de, moi. Au reste, il y a des inconvéniens qui tiennent à la position. On imprimait à cent lieues de moi ; je ne

  1. Profitant de ce que Joseph de Maistre, éloigné de lui, ne pouvait surveiller de près l’impression de son livre, l’éditeur s’était permis de placer, sans son consentement, en tête du volume, un avis où, entre de vifs éloges, il avait glissé cette réserve : « Le chapitre sur l’ancienne Constitution se ressent trop de la nécessité où, à défaut de connaissances suffisantes, l’auteur s’est vu forcé de s’en remettre aux assertions de quelques écrivains de parti. » Rappelons que ces « écrivains de parti » étaient des magistrats qui avaient déjà donné et devaient donner encore d’éclatans témoignages de leur dévouement aux Bourbons. On retrouve ici la trace des dissentimens qui agitèrent l’Émigration.