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ouvrage nouveau, sans qu’il y paraisse trop. Il serait long et inutile, monsieur le comte, de vous signaler les fautes principales ; mais vous verrez aisément qu’il manque une phrase entière à la page 64, ligne 4 et qu’il y a de même une lacune considérable à la page 84, ligne 18. La suppression du monosyllabe cru (page 87, ligne 12) entre les deux particules et et par, fait une phrase niaise d’une pensée qui avait quelque saillie[1]. Mais c’est trop parler de ces misères ; venons à des objets plus importans.

« Les parlemens sont une des parties de votre constitution que j’avais le plus attentivement méditée. Je n’entame point ce sujet qui me mènerait trop loin : ce pourrait être, tout au plus, le sujet d’une lettre particulière, si le Roi le voulait.

« Il ne faut pas avoir beaucoup de tact pour s’apercevoir que l’ouvrage dont je me suis servi pour bâtir mon chapitre VIII, n’avait pas complètement réussi auprès du Roi, et pour parler franchement, monsieur le comte, lorsque je me suis demandé pourquoi ce prince si réfléchi et si modéré n’avait pas tâché de légitimer ce travail au lieu de le repousser, je n’ai pas trop su me répondre. Je craignais même qu’une foule de Français ne prissent le change sur cette désapprobation, et c’était un chagrin pour moi, par une suite de l’intérêt ardent que je prends à vos affaires. Si j’avais pu seulement soupçonner dans les auteurs du livre en question la prétention de borner les droits des États généraux à de simples doléances et de les placer au-dessous des Parlemens, j’aurais rejeté leur livre avec le dernier dédain ; mais le système contraire est clairement énoncé aux pages 292, 293, 302, 303, 304, 332 citées aux pages 127-28 des Considérations. Me trouvant séparé de mes livres, il me fallait un recueil quelconque pour former le tableau rétréci qui entrait dans mon plan. Je m’en suis servi comme d’une table de matières, qui me fut indiquée par le mal qu’en disait ce petit drôle de Constant, dans son vilain pamphlet : De la force du gouvernement actuel[2]

  1. Les fautes que signale Joseph de Maistre, ayant disparu des éditions suivantes, ses observations ne présentent plus qu’un intérêt rétrospectif. Aussi, ne croyons-nous pas devoir rendre compte ici du travail de comparaison auquel nous nous sommes livré pour rétablir dans la première édition les passages disparus à l’impression.
  2. De la force du gouvernement actuel et de la nécessité de s’y rallier, par Benjamin Constant. Paris, 1797. Cette brochure venait de paraître. Elle constitue un chaleureux plaidoyer en faveur du Directoire. L’auteur y prenait vivement à partie l’opuscule des magistrats dont il est question plus haut. Tout, d’ailleurs, n’est pas à dédaigner dans cette apologie des thermidoriens. Parmi de basses flatteries pour les vainqueurs et de violentes attaques contre les vaincus, on trouve quelques vérités applicables à tous les temps. Telle, celle-ci : « Un défaut qui caractérise presque tous ceux qui ont joué un rôle dans la Révolution et surtout les vaincus après leur défaite, c’est de vouloir toujours ramener les choses au lieu de les suivre. Ils regardent leur triomphe comme le but général et croient que le but ne peut s’atteindre, dès qu’on les a dépassés. »