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« D’ailleurs, une foule de mes compatriotes prennent ce parti que le roi de Sardaigne ne désapprouve point. Si j’avais cent louis de rente, je vous jure, monsieur le comte, que j’aurais déjà pris mon parti ; mais je ne puis abandonner la modique ressource qui me reste, tant que je suis privé de mes biens. Bientôt, j’aurai épuisé tous les genres de ressources dont je pouvais disposer. Je vois une perspective épouvantable. Un ambassadeur anglais avec lequel j’étais lié, me cherche dans son île quelque enfant gâté de la fortune que je puisse promener en Europe. C’est ce qu’on appelle en style badin montrer l’ours ; d’autres personnes cherchent à me placer auprès de quelque jeune Altesse allemande. Je répugne un peu au second parti, et beaucoup au premier ; cependant, il faudra bien plier sous l’invincible nécessité. Oh ! si le Roi pouvait et voulait bien employer son influence pour me replacer dans mes biens ! S’il voulait m’adopter, peut-être que je ne serais pas un Français inutile. Les bontés qu’il veut bien me témoigner par votre organe, monsieur le comte, ont amené cet épanchement peut-être indiscret. Je m’estimerais bien heureux si j’avais menti à la page 147, ligne 5e de mon ouvrage : j’écrivais, je vous le jure, sans la moindre prétention, et sans me flatter du tout que le Roi attacherait quelque importance à mon travail. C’est même par une suite d’une défiance dont je ne suis pas maître que je n’ai point pris la liberté de lui présenter l’ouvrage dans le temps.

« Vous comprendrez sans doute aisément, monsieur le comte, que, dans la position où je me trouve, il ne pourrait rien m’arriver de plus fatal que d’être connu publiquement pour Fauteur des Considérations. Je serais perdu dans ce pays et peut-être même que je perdrais le pouvoir d’être utile, en France, à la bonne cause. Je me recommande au Roi sur ce point, et je vous prie, monsieur le comte, de vouloir bien appuyer auprès de l’imprimeur le sermon que je lui adresse par ce courrier sur le chapitre de la discrétion ; car il me semble qu’il se gêne peu.

« Vous ne vous trompez point, assurément, monsieur, en jugeant que je serai infiniment sensible à l’honorable approbation dont vous avez bien voulu vous rendre l’organe. Je vous remercie des observations que vous m’avez adressées et j’en ferai mon profit autant que les circonstances le permettent. Si l’impression n’était pas achevée, j’aurais mieux fait encore. Je vous