recevoir les émouvans récits de la journée du Dix-huit fructidor. Tout y était trouble, confusion, désarroi. Louis XVIII savait ses principaux agens arrêtés ou fugitifs et ses secrets tombés aux mains du Directoire. Nulle atteinte plus funeste ne pouvait être portée à sa cause. La sollicitation du comte de Maistre survenait donc inopportunément, et d’autant plus mal à propos, que le coup d’État exécuté à Paris paralysait le Roi. En le réduisant à une impuissance dont il ne pouvait mesurer la durée, il lui ôtait les moyens de venir en aide à ses partisans, même dans la forme où le demandait Joseph de Maistre. Le comte d’Avaray fut chargé d’en faire à l’auteur des Considérations le pénible aveu. Mais, afin d’atténuer la cruauté d’un refus imposé par les circonstances et sans doute aussi pour ne pas décourager le solliciteur, alors qu’on demandait à sa plume un nouveau service, Louis XVIII lui fit annoncer un envoi d’argent, véritable secours et aumône déguisée, qu’il se serait dispensé de lui offrir, même sous un prétexte acceptable, s’il eût mieux connu cette âme fière et désintéressée. « Sans doute, monsieur le comte, lui écrivait d’Avaray, le 28 septembre, le Roi aurait fait avec le plus plus grand plaisir la démarche que vous désiriez de sa part. Mais le terrible événement du 4 septembre ne lui en laisse pas les moyens, et c’est un nouveau regret pour lui de perdre ainsi l’occasion de vous donner un témoignage particulier de sa satisfaction, je peux dire de sa reconnaissance.
« Le Roi a considéré cependant que la distribution de votre ouvrage dans l’intérieur du royaume ne peut se faire sans un surcroît de dépenses et il m’a chargé de vous faire passer cinquante louis dont vous disposerez comme vous le jugerez convenable. Cette somme vous donnera non pas la mesure de son estime, mais celle du fâcheux état de ses finances. J’ai été obligé de retarder ma réponse pour attendre une lettre de change que je ne pouvais tirer que de Hambourg.
« C’est un léger inconvénient que mes observations vous soient arrivées trop tard pour trouver place dans la deuxième édition de votre ouvrage. Ce qui me fait bien plus de peine, c’est que vous n’ayez pu y ajouter un chapitre sur l’affreux événement du 4 septembre. Il serait à souhaiter que vous eussiez lié cette catastrophe au plan de votre ouvrage, qu’elle semble déranger. C’est un sujet bien important à traiter, mais que nul écrivain ne peut traiter mieux que vous. Qui fera (sentir aux