Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 37.djvu/668

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Désormais, entre le royaume de Serbie et l’Adriatique, il y eut une ceinture continue de provinces gouvernées, administrées ou occupées par l’Autriche-Hongrie ; la politique de Vienne chercha à détourner l’activité serbe vers la Macédoine et la frontière bulgare : la guerre de 1883 sortit de là. Ainsi l’Autriche jetait la division parmi les Slaves du Sud pour mieux assurer parmi eux sa prépondérance ; en même temps, tout en administrant et en réorganisant la Bosnie-Herzégovine, elle travaillait à y implanter sa domination et à l’y rendre indestructible.

Il faudrait de longues pages pour étudier les procédés et les résultats de l’administration autrichienne dans les provinces que le traité de Berlin a confiées à ses soins ; sans nous en rapporter à de violens réquisitoires qui ont été écrits en ces derniers temps, il faut bien constater que le sentiment public, en Bosnie et en Herzégovine, est peu favorable à la domination autrichienne ; tout au moins ne saurait-on contester que la majorité serbe des habitans, — qu’elle soit orthodoxe ou musulmane, — répugne absolument à l’établissement d’une sujétion directe à l’Autriche. On l’a bien vu au cours de l’année 1906. Durant tout l’été dernier, le bruit courut et les journaux annoncèrent que l’empereur François-Joseph viendrait assister aux grandes manœuvres qui auraient lieu en Bosnie, et qu’à cette occasion il proclamerait l’annexion de la Bosnie et de l’Herzégovine à la monarchie cisleithane ou, tout au moins, que des pétitions en ce sens étaient préparées et lui seraient remises par des députations de la population catholique. Si peu vraisemblables que fussent de tels projets, ils trouvèrent créance en Bosnie, en Serbie et dans toute la presse européenne. L’occasion pouvait paraître tentante, au moment où la Russie était occupée chez elle et où l’Allemagne, par la bouche du prince de Bülow, avait, après la Conférence d’Algésiras, solennellement promis à son alliée de lui prêter, le cas échéant, un concours efficace. Quoi qu’il en soit, que l’on ait voulu ou non, à Vienne, faire une expérience, elle est faite, et elle est concluante. L’irritation de la population sorbe se manifesta d’une façon tellement significative qu’au dernier moment, l’Empereur averti, dit-on, que des manifestations peu sympathiques étaient préparées contre lui, renonça à son voyage et délégua à sa place l’archiduc héritier qui reçut pour instructions de se borner à un rôle strictement militaire.