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plus large et le plus beau du mot, et l’action féministe, qui est individualiste. C’est avec raison qu’on a pu écrire que si en Amérique le féminisme est presque toute l’action féminine, en France l’action féminine s’exerce en dehors du féminisme[1].

Le christianisme avait relevé la femme du rang misérable d’esclave et de créature de plaisirs où la réduisait l’antiquité finissante, et il lui avait donné le sentiment de sa dignité. L’Église commençante l’honora, la reconnut apte à l’action et au gouvernement, lui fit exercer au foyer une autorité que les lois ont consacrée et les mœurs accrue[2]. Pendant de longs siècles cette action circonscrite au foyer parut aux meilleurs esprits la seule qui lui convînt, et c’est en effet une raison noble de vivre que de maintenir une famille après l’avoir créée, de former ses enfans après les avoir mis au monde et de faciliter par un absolu dévouement la tâche de l’homme à qui l’on est uni. Joseph de Maistre ne pouvait rien imaginer de plus beau qu’une honnête femme. « Les femmes, écrivait-il à sa fille, n’ont fait aucun chef-d’œuvre dans aucun genre… mais elles font quelque chose de plus grand que tout cela… c’est sur leurs genoux, ma chère enfant, que se forme ce qu’il y a de plus excellent dans le monde, un honnête homme et une honnête femme. » Mais les années, en se succédant, ont amené de profonds changemens dans le monde ; des doctrines, les unes brutales, les autres perfides, sont apparues qui toutes concouraient à saper les bases mêmes de la société, famille, patrie, religion ; en même temps des questions ouvrières surgissaient qui jusqu’alors n’avaient préoccupé que des spécialistes et qui maintenant devenaient des questions vitales pour le pays. Le sens social fut éveillé chez les femmes. Rien de ce qui intéressait la société ne put leur demeurer étranger. Si fervente que fût au foyer leur action, elles comprirent que cette action devait s’étendre en dehors de ses limites habituelles, s’exercer dans la société, et par là dans toute la nation. Il y avait des classes où la famille n’existait plus : elles devaient l’y rétablir ; il y en avait d’autres où les enfans étaient sans protection à la fois contre les maladies physiques et les maladies morales : elles devaient les sauver ; il y avait des hommes sans travail, des jeunes filles dont l’innocence était honteusement

  1. La Femme catholique et la démocratie française, par la vicomtesse d’Adhémar (Perrin, éditeur), p. 278.
  2. Etienne Lamy, la Femme de demain (Perrin, éditeur).