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exploitée, il y avait de jeunes femmes qui ne savaient où abriter et reposer dans cet immense Paris leurs membres fatigués : elles devaient donner aux uns du travail, préserver les autres et leur procurer un asile. Pendant longtemps elles ne s’étaient occupées que des œuvres de bienfaisance : elles aidaient les communautés religieuses qui créent des ouvroirs, des crèches, des patronages : elles en créaient de leur côté. On ne songeait alors qu’à l’assistance de la misère, et l’on croyait que les œuvres de bienfaisance y suffiraient.

En admettant que la bienfaisance fût l’unique moyen, le nombre de ces œuvres, si grand qu’il soit déjà, eût-il jamais été suffisant ? Les communautés religieuses, plus encore que des sociétés laïques, les fondaient et les dirigeaient ; la loi chassant les communautés, que devenaient les œuvres ? Maintenant d’ailleurs l’expérience démontrait que les œuvres de piété et de bienfaisance n’étaient pas les seules qu’il fallait soutenir, ni peut-être les plus immédiatement importantes. À côté des pauvres, qui vivent de la pauvreté, se rangeaient les travailleurs, qui ne vivent pas de leur travail ou qui veulent en mieux vivre. Ce monde du travail fut révélé aux femmes, monde immense où la femme s’épuisait comme l’homme, tourmenté par le besoin, l’infortune, le désir, la détresse, la haine ; un monde qui était tout l’avenir, mais un avenir chargé de menaces. Ce n’était ni par la charité ni par l’aumône qu’il fallait compter agir. De quelle utilité seraient la charité et l’aumône pour remettre en honneur des principes et des traditions qui ont fait la France ? Ce n’était pas non plus par la charité et l’aumône qu’il fallait aller au peuple. Il fallait se donner soi-même tout entier. Au reste, une notion nouvelle pénétrait les esprits, qui remplaçait la notion de l’aumône.

Le mot de charité a perdu, presque complètement, son sens primitif : dans la langue courante, il se confond avec le mot d’aumône. Faire la charité c’est faire l’aumône. Or l’aumône est trop souvent pour ceux qui la pratiquent un moyen facile de se débarrasser rapidement des devoirs que leur impose leur situation envers les malheureux. Il est convenu qu’une certaine fortune oblige à un certain chiffre d’aumônes : tant de revenus, tant d’aumônes.

Que de personnes sont en paix avec elles-mêmes et vont jusqu’à s’estimer profondément et se louer, parce que dans leur