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aussi bien la cuisine que l’hygiène, la couture que l’économie, les premiers soins aux malades que le lessivage. On ne l’enseigne pas aux jeunes filles riches : ce sont là des tâches uniquement attribuées aux domestiques. On leur apprendra bien à ordonner un menu savamment, mais non à préparer un plat très simple. Il est convenu dans la société que cette cuisine, dont nous sommes si gourmands, il est flatteur d’inviter des amis à en savourer l’art et l’habileté, mais qu’il appartient seulement aux petites gens d’en connaître et d’en pratiquer eux-mêmes quelques secrets. Un doigt que l’aiguille a marqué de piqûres révèle une humble situation, ou d’humbles travaux : on enseigne bien aux jeunes filles fortunées quelques points de broderie élégans, — mais, une fois qu’elles les ont appris, elles s’empressent de les oublier. Plus âgées, un peu fatiguées de la vie, elles y reviendront peut-être, pour remplir leur oisiveté forcée en exécutant « de petits ouvrages. » Une femme aisée, qui repriserait les chaussettes de ses enfans ou raccommoderait son linge, serait ou dédaignée on raillée : il y a des lingères, des ouvrières, des servantes pour ces travaux. Seules les jeunes filles pauvres, sans dot, ont le droit de savoir « faire leurs robes elles-mêmes. » Elles apportent cette science dans leur corbeille, mais, comme elles n’apportent que cela, on ne voit pas que les prétendans accourent moins rares ni plus enthousiastes : au contraire. Et c’est plutôt avec un air de pitié qu’on dit en les proposant aux jeunes hommes : » Et puis elle fait ses robes elle-même, la pauvre petite. » À moins qu’on ne mette à les louer un extraordinaire accent d’admiration qui révèle à quel point l’on est stupéfait qu’il existe de jeunes Françaises possédant ce talent.

Dans les familles du grand monde, le personnel domestique remédie à l’ignorance de la maîtresse de la maison, et l’on sait qu’il y remédie à son propre avantage. Mais dans un ménage d’ouvriers, si la femme tient mal son intérieur, comme personne ne la remplacera, elle contribuera à éloigner son mari de cet intérieur. Un souper bien accommodé, une chambre bien nettoyée, des enfans propres le retiendraient chez lui : s’il trouve en rentrant de l’atelier un souper épouvantable, une chambre toujours sale, des enfans toujours déguenillés et noirs, il se sauvera très vite au cabaret où il y a de la lumière, des amis, des rires, de la gaieté. Or, si les jeunes filles et les femmes du monde veulent aller au peuple, pour lui donner les moyens