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nouvelles que prend la charité : autrefois les femmes fortunées visitaient les pauvres, enseignaient aux enfans le catéchisme, tricotaient pour les indigens des bas ou des gilets en chaude laine, soignaient les malades ; c’est là ce qu’il faut continuer. Mme Divoire ne trouve enfin pour s’associer à elle qu’une amie. Tant pis : on essaiera tout de même, et elles essaient, et peu à peu elles réussissent. Mais en quoi ont-elles réussi ? Quels résultats ont-elles obtenus ? On pourrait tout de suite répondre que le plus beau résultat obtenu est justement, en rapprochant des jeunes filles de tout rang, de former l’union réelle des classes. Mais il faut citer aussi des exemples dont la réalité soit en quelque sorte tangible, et j’en citerai deux qui me semblent très caractéristiques et dont personne ne peut contester l’utilité immédiate.

… Un membre du cercle, une jeune femme, fonda une coopérative pour les fruits. Il paraît que les plus beaux fruits du monde, des poires savoureuses, des pommes superbes, mûrissaient dans les vergers de la paroisse et ne se vendaient pas ! On ne les connaissait pas ! Il n’y avait pas d’entente entre les bonnes gens. Isolés, ils étaient impuissans. La jeune femme parle à Pierre, parle à Paul, réunit Pierre, Paul, leurs frères et leurs cousins. Un petit syndicat de producteurs se crée et se développe. Il donne des leçons pour cueillir, empaqueter les fruits, exclure impitoyablement ceux qui ne sont pas de qualité supérieure. Très vite les fruits firent prime sur les marchés des villes voisines. Il est question maintenant de les conduire aux Halles et même de les exporter en Angleterre.

… Un jour, Baptiste Sans-le-Sou (on ne lui sait pas d’autre nom) fut amené au cercle par son curé. Sans-le-Sou était rayonnant. Il ne possédait pas encore un sou, mais il allait posséder une maison. Son histoire est drôle, mais encore plus touchante. On lui avait proposé de devenir propriétaire d’une maison à lui, d’un jardin à lui ; tout d’abord, il avait cru à une plaisanterie ; il ne comprenait pas. Mais rien n’était plus réel ; on lui offrait de quitter l’affreux gite où lui, sa femme et ses dix enfans, traînaient une existence vouée à la tuberculose, contre une maison large, commode, bien aérée, bien éclairée avec vingt arpens autour, un four à pain, une minuscule basse-cour et un appartement privé pour dom Pourceau. Tout cela au même prix de location, et en plus la chance d’être propriétaire au bout