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rité sur les autres pour réaliser l’union du parti. Sans doute les libéraux se sont trouvés aux prises avec une question très délicate, très difficile, celle des congrégations ; mais ils ont eu tort de la soulever s’ils ne pouvaient pas la résoudre. Nous reconnaissons toutefois qu’ils ne pouvaient guère sy dérober ; le malheur est qu’ils en ont fait le champ clos de leurs dissentimens personnels, et qu’ils n’ont pas été d’accord un seul moment sur la solution qu’il convenait de lui donner. Les uns, comme M. Moret, auraient voulu une solution prudente et modérée ; ils reconnaissaient qu’il y avait quelque chose à faire, beaucoup même ; mais ils savaient que la majorité de l’Espagne est profondément catholique et qu’il est dangereux de susciter, pour les lancer les unes contre les autres, les passions religieuses et anti-religieuses d’un pays. Les autres, comme M. Canalejas, pris pour nous d’une admiration que nous avons conscience de ne pas mériter, voulaient, à peu de chose près, importer chez eux les solutions françaises. Elles sont déjà bien mauvaises de ce côté-ci des Pyrénées : qu’auraient-elles été de l’autre ? Entre ces deux pôles opposés, le parti libéral ef ses autres chefs flottaient plus ou moins, penchant tantôt dans un sens et tantôt dans l’autre, sans se fixer à aucun. Les questions religieuses étant celles qui divisent le plus, on peut juger des ravages qu’elles devaient faire dans un parti aussi divisé que l’était déjà le parti libéral. Aussi le ministère ne pouvait-il subsister qu’en l’absence des Chambres. Dès qu’on a appris qu’elles allaient se réunir, sa chute a paru certaine et prochaine. Comme l’ironie ne perd jamais ses droits, M. le marquis de la Vega de Armijo a reçu des lettres de tous les chefs du parti qui l’encourageaient à convoquer les Cortès, en l’assurant de leur concours le plus dévoué. Il en a donné très sérieusement lecture au Conseil des ministres, qui ne s’est pas fait sans doute beaucoup d’illusions sur leur portée. Les Chambres ont été convoquées pour le 21 janvier. Aussitôt le ministère a été attaqué par les conservateurs au Sénat et par les radicaux à la Chambre, et il a donné sa démission au bout de quatre jours.

Le Roi l’a acceptée : pouvait-il faire autrement ? On s’est demandé d’abord s’il tenterait un nouvel essai de ministère libéral. A quoi bon ? L’échec était inévitable ; il se serait produit à plus brève échéance encore que par le passé. Le parti libéral avait joué sa dernière carte avec le marquis de la Vega de Armijo, et il l’avait perdue par sa faute. Le Roi a donc fait appel aux conservateurs ; il a chargé M. Maura de former un cabinet. M. Maura a rempli son mandat avec l’aisance et la célérité d’un homme qui y était tout préparé. Et