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revue des deux mondes.


Paris, 30 juin 1906.

Madame,

Est-il vraiment impossible de publier dans un prochain numéro de la Revue des Deux Mondes le Cahier rouge de Benjamin Constant ? L’occasion serait en effet plus favorable en ce moment qu’elle ne l’a été en aucun temps. L’Académie française vient de couronner le livre de M. Ph. Godet sur Madame de Charrière, et il en sera rendu compte dans un prochain numéro de la Revue. Je crois vous avoir dit que j’étais en possession de la Correspondance de B. Constant avec P. de Barante, et que je n’attendais pour la donner que d’avoir pu au préalable publier le Cahier rouge. Vous avez sans doute connaissance du volume de M. V. Glachant intitulé, assez bizarrement d’ailleurs : Benjamin Constant sous l’œil du Guet. Vous n’ignorez pas qu’on imprime pour les faire paraître assez prochainement deux gros volumes d’un M. Rudler sur Benjamin Constant. Toutes ces publications ne peuvent manquer d’éveiller l’attention de la critique, et Benjamin Constant va redevenir un sujet d’études politiques et littéraires, et sans doute quelqu’un voudra lui consacrer le livre qu’on n’a pas encore écrit sur lui.

Mais en de telles conditions, et pour ne point parler du « service rendu, » ai-je besoin d’insister pour vous dire quel heureux effet produirait la publication du Cahier rouge ? Je vous disais que le moment n’a jamais été plus favorable, je crois pouvoir dire qu’il ne le sera jamais. Et si je ne vous en dis pas davantage, c’est que vous le savez comme moi.

Ces conditions suffiront-elles, Madame, pour vaincre une résistance que je ne veux pas croire qui soit une opposition absolue ? Il me semble en tout cas qu’elles pourront peut-être l’ébranler. Si je plaide ma cause d’éditeur, mes argumens n’en sont pas moins dans l’intérêt et de Benjamin lui-même, et du nom de Constant. Si, comme je l’espère, c’est aussi votre conviction, vous réussirez à la faire partager, et j’ai quelque idée qu’en voyant le succès de la publication et la nature de ce succès, l’on ne se repentira pas finalement d’avoir cédé, si j’ose le dire, à nos instances.

F. Brunetière.